La fraude financière dite « CumCum » est un montage sophistiqué utilisé par certains investisseurs pour éviter de payer l’impôt sur les dividendes en France. Derrière ce nom étrange se cache une mécanique financière aussi habile que coûteuse pour l’État. Selon le ministère des Finances, elle aurait fait perdre plusieurs milliards d’euros de recettes fiscales ces dernières années.
Tout part d’un principe simple : lorsqu’une entreprise française verse un dividende à ses actionnaires, les investisseurs étrangers doivent en principe s’acquitter d’un prélèvement à la source, généralement autour de 25 %. Pour contourner cet impôt, certains fonds ou banques étrangères ont recours à une manœuvre temporaire. Juste avant le versement du dividende, ils « prêtent » leurs actions à un acteur français – souvent une banque ou une filiale locale. Ce dernier devient officiellement propriétaire des titres au moment où le dividende est versé, et comme il réside fiscalement en France, il n’a pas à payer de retenue à la source.
Une fois le dividende encaissé, les actions sont restituées à leur propriétaire étranger, accompagné d’une compensation équivalente au dividende, moins une commission pour la banque française qui a servi d’intermédiaire. Ce transfert-éclair, souvent réalisé en quelques jours seulement, permet donc à l’investisseur d’encaisser le dividende comme s’il était résident fiscal français, sans verser le moindre impôt au Trésor.
Le terme « CumCum » vient de l’expression latine cum dividendo (« avec dividende »), car l’opération consiste précisément à transférer temporairement la propriété d’un titre juste avant le versement du dividende. Ce système est proche d’un autre montage, le « CumEx », qui, lui, repose sur des remboursements frauduleux d’impôts déjà payés et qui a éclaté en Allemagne en 2017, provoquant un scandale européen.
En France, le CumCum n’est pas toujours illégal : tout dépend de l’intention et de la durée de l’opération. Mais dans de nombreux cas, l’administration fiscale estime qu’il s’agit d’une fraude caractérisée, car l’objectif est purement fiscal et ne correspond à aucune réalité économique. Le Sénat et le collectif de journalistes européens Correctiv ont révélé que ces pratiques pourraient coûter plus de 3 milliards d’euros par an au fisc français.
Depuis 2018, Bercy tente de serrer la vis : contrôles accrus, redressements, et clarification des règles de détention temporaire d’actions. Mais la sophistication de ces montages, souvent appuyés par de grands cabinets d’avocats et des banques internationales, rend la lutte difficile. En somme, le CumCum illustre à quel point la finance moderne sait jouer des frontières… parfois au détriment du contribuable.
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