C'est le plus grand mammifère terrestre. Reconnaissable à son cou immense et sa peau tachetée, elle est emblématique des paysages africains et ne vit que sur ce continent. On parle de la girafe ce matin dans Questions d'Environnement, parce que les scientifiques viennent d'établir qu'il n'y pas une mais quatre espèces de girafes différentes. Décision de l'UICN, l'organisme qui fait référence pour évaluer l'état de conservation des espèces.
La girafe est victime d'une « extinction silencieuse », disent les spécialistes. Les grands parcs naturels africains mettent en avant les lions, les éléphants, les rhinocéros, les léopards ou encore les buffles — ces fameux « big five » dont parlent les rangers africains. Mais pas les girafes, plus faciles à voir.
Pourtant, en 2016, les scientifiques ont tiré la sonnette d'alarme avec un chiffre : la population de girafes a chuté de 40 % en trente ans. À l'époque, les girafes ne sont classées qu'en une seule espèce, et neuf sous-espèces.
Alors pourquoi dire maintenant qu'il y a quatre espèces différentes de girafes ? Depuis 2016, l'analyse génétique a progressé. De nombreuses recherches ont été réalisées sur la taxonomie des girafes. La taxonomie — le fait de regrouper les animaux dans des catégories — est une science qui évolue en fonction des nouvelles connaissances.
Pour établir ces 4 espèces de girafes – la Girafe du Nord, la girafe réticulée,
la girafe Massaï
et la girafe du Sud, les experts de l'UICN se sont donc basés sur des données génétiques, mais aussi morphologiques produites par les nouvelles recherches scientifiques. En particulier, la forme des crânes des girafes est très différente, explique Michael Brown, co-président du groupe de l'UICN sur les girafes : « par exemple pour les girafes du Nord, les adultes mâles ont des ossicônes beaucoup plus grands. Les ossicônes, ce sont les deux protubérances osseuses qu'ont les girafes sur la tête, comme des cornes. Chez les girafes du Sud, en revanche, elles sont beaucoup plus atténuées et arrondies ».
La géographie a aussi joué un rôle. Des barrières naturelles infranchissables pour les animaux ont contribué, il y a des dizaines, voire centaines de milliers d'années, à créer des trajectoires d'évolution différentes pour ces 4 espèces. Les rivières comme le Nil, les vallées du Grand Rift en Afrique de l'Est, ou encore le lac Victoria.
Reconnaître qu'il y a quatre espèces de girafes va aider à mieux les protéger. Cela permet d'être plus précis sur l'évolution des populations et sur ce qui les menace, explique Michael Brown : « Les girafes du Nord par exemple, elles vivent souvent dans des zones de conflit. Elles sont menacées par la chasse illégale, le braconnage et certaines populations sont isolées. Les girafes Massaï, elles, souffrent davantage de l'urbanisation rapide et des clôtures qui fragmentent leurs territoires et les empêchent de se déplacer ». Savoir cela permet de mieux cibler les politiques de protection ainsi que les fonds alloués.
Premier effet de ce changement majeur de classification : alors que depuis 2016 toutes les girafes étaient classées comme « vulnérables », on voit en séparant les espèces que la situation de la girafe du Sud est moins préoccupante. À l'inverse, la girafe du Nord, présente au Sahel et en Afrique de l'Ouest notamment, est désormais parmi les grands mammifères les plus menacés d'Afrique.