L'actualité de ces dernières semaines est marquée par une multitude de catastrophes climatiques. Des feux en Europe, des sécheresses, comme celle qui sévit en Syrie, des inondations comme en Afrique ou en Asie : les effets du changement climatique touchent les pays du monde entier. Mais pas tous sont logés à la même enseigne pour y faire face. Leur degré de résilience dépend de leur vulnérabilité climatique.
La vulnérabilité climatique, c'est la sensibilité d'un système (qu’il s’agisse d’un pays, d’une communauté, d’un écosystème ou de n’importe quel être vivant) aux effets néfastes du changement climatique et son incapacité à y faire face. Cette vulnérabilité est d'abord déterminée par l'exposition d'un pays. Il y a des zones qui, du fait de leur position géographique, sont plus exposées aux chaleurs extrêmes, aux sécheresses, aux inondations que d’autres. À l’instar du Pakistan, où une saison de mousson extrême a fait des centaines de morts ces dernières semaines. « Nous avons certaines des plus hautes montagnes du monde, mais aussi des déserts, des plaines et des deltas. Ces paysages sont vulnérables aux inondations, vagues de chaleur et à la sécheresse. Donc notre vulnérabilité est due d'abord à notre géographie nationale », souligne Rafay Alam, avocat pakistanais spécialisé en droit environnemental.
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Mais l’exposition géographique seule ne suffit pas à déterminer la vulnérabilité. Comment expliquer sinon qu'Haïti est beaucoup plus vulnérable aux ouragans que la République dominicaine voisine avec laquelle elle partage pourtant la même île ?
Il y a donc d’autres facteurs qui entrent en jeu. Dans le cas du Pakistan, le nombre très élevé de victimes lors des pluies diluviennes et des inondations est aussi dû à un système d’alerte précoce existant mais inefficace, au manque d’abris en dur, aux constructions anarchiques, à la difficulté pour les équipes de secours de rejoindre les zones sinistrées. « Notre vulnérabilité géographique est aggravée par le fait que nous sommes pauvres et que notre gouvernance n’est pas bonne », constate Rafay Alam.
La vulnérabilité climatique est donc aussi déterminée par des facteurs économiques et politiques, car l'adaptation d'un pays dépend des moyens disponibles et des institutions opérationnelles. « Dans des pays en guerre ou où règnent des régimes autoritaires, les services publics sont défaillants et l’aide internationale y est souvent détournée à cause de systèmes de corruption », fait remarquer Magali Reghezza, géographe et ancienne membre du Haut Conseil pour le climat. « La vulnérabilité est sous-tendue par des inégalités qui vont priver des personnes, mais aussi des entreprises, de l’accès aux ressources qui leur permettraient de se protéger et, en cas de dommages, de se relever plus rapidement ».
Il existe de très nombreux classements internationaux. Mais on y retrouve toujours les mêmes pays pauvres dont une grande partie de l’économie dépend de l’agriculture. « Ce sont les pays pauvres dans la zone intertropicale auxquels s’ajoutent les pays du croissant aride du Moyen-Orient, une partie de l’Amérique latine et de l’Amérique centrale », détaille Magali Reghezza. Le problème, c’est que ces listes de classement n’incluent pas « un certain nombre de territoires et de peuples. Je pense par exemple aux peuples arctiques qui vivent au Canada ou en Russie et qui sont très vulnérables au changement climatique à cause de la fonte des écosystèmes dont ils dépendent mais aussi à cause de l’exploitation pétrolière et gazière, ces nouveaux fronts pionniers qui sont en train de se mettre en place dans le cadre du réchauffement climatique. Ces minorités », poursuit la géographe, « on les retrouve aussi dans les Andes, les montagnes chinoises ou en Afrique, comme les peuples nomades du Sahara. Ces populations n’apparaissent pas dans les classements internationaux de vulnérabilité climatique parce qu’elles ne sont pas des États nations. Elles ne sont pas associées en tant que telles à un État. Et cela est particulièrement problématique. Parce que non seulement ces peuples font partie des communautés les plus vulnérables face au changement climatique, mais qu’ils ont aussi la plus grande capacité de protection de la biodiversité ».
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À l'inverse, les pays les moins vulnérables sont ceux du G20 qui ont de meilleures capacités financières, techniques, scientifiques, industrielles et militaires pour garantir la sécurité de leurs populations. Mais force est de constater qu’« il n’existe aucun endroit sur Terre qui ne soit vulnérable au changement climatique », rappelle l’avocat pakistanais Rafay Alam. Et au sein des pays industrialisés, les chercheurs ont relevé ces dernières années « des fractions de la population qui deviennent particulièrement vulnérables parce qu’elles sont exclues de ces filets de sécurité collective ». C’est le cas des femmes, des enfants et des personnes âgées qui souffrent de façon disproportionnée des effets du changement climatique. Mais aussi des personnes exclues par leur statut juridique, comme les migrants, ou encore des minorités qui souffrent de racisme, comme les Afro-Américains aux États-Unis.
L’évaluation de la vulnérabilité vise d’abord à mieux cibler les décisions de politiques publiques pour adapter les pays et protéger leurs populations, leurs écosystèmes et leurs économies. Mais elle est surtout aussi un outil géopolitique pour demander des mesures de justice climatique aux pays industrialisés, responsables historiques du changement climatique, envers les pays les plus vulnérables qui en subissent les effets de plein fouet.
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