L'Inde vient d'annoncer que 50% de sa capacité de production d'électricité est désormais d'origine renouvelable, et ce notamment grâce à des projets éoliens et solaires pharaoniques. Cerise sur le gâteau : ce seuil est dépassé avec 5 ans d'avance sur le calendrier fixé pour respecter l'accord de Paris. Pourtant, dans le même temps, l'Inde reste dépendante au charbon : 73% de l'électricité consommée en Inde provient de cette énergie très polluante
Pour comprendre ce paradoxe, il faut commencer par faire un travail de sémantique. Quand Pralhad Joshi, le ministre des énergies renouvelables indien, annonce que l'Inde vient de dépasser 50% de capacité de production d'électricité verte, il a bien raison de s'enthousiasmer : l'Inde occupe désormais la troisième place mondiale, devant l'Allemagne et le Japon.
Cependant, il parle bien de capacité de production, et non simplement de production. Et c’est toute la différence. « Il y a une différence entre capacité et production, explique Sunil Dahiya, expert de la transition énergétique en Inde. Les énergies renouvelables comme l'éolien ou le solaire ne produisent pas à 100% de leur capacité toute la journée. La production est plus importante pendant les heures ensoleillées ou quand il y a plus de vent. À l'inverse, une centrale à charbon d'une capacité de 100 MW va pouvoir produire 100 MW d'électricité quel que soit le moment de la journée ».
Dans les faits, seul 13% de l'énergie indienne provient de panneaux solaires ou d'éoliennes. Le charbon qui permet une production plus stable et moins chère reste donc largement majoritaire, avec 73% de l'énergie produite. De plus, pour lisser la production d'énergie verte, il faut être capable de la stocker : quand la production décline, on la libère pour maintenir un niveau constant. Avec 5 gigawatts de capacité de stockage aujourd'hui, l'Inde est encore loin de l'objectif des 60 gigawatts nécessaires à l'horizon 2030.
Cette énergie doit également pouvoir être distribuée efficacement. Et dans un pays aussi vaste que l'Inde, développer un réseau électrique solide est un enjeu de taille. Les bassins de production d'énergies renouvelables sont concentrés dans des états comme le Rajasthan et le Gujarat. Leurs déserts sont favorables à la production d'énergie solaire. « Le réseau indien n'est pas aussi développé qu'il le devrait, pose Akul Raizada, consultant dans le secteur des énergies et chercheur associé à l'Ifri. Il y a des goulots d'étranglement qui empêchent la circulation de l'énergie renouvelable. Elle circule mal entre les bassins de productions et les bassins industriels qui en ont besoin. Pour donner un ordre d'idée, on estime que l'Inde perd entre 40 et 50% de sa production d'énergie renouvelable à cause de son réseau ». L'Inde investit massivement dans son réseau, mais la route est encore longue.
Malgré ces difficultés, le géant indien ne compte pas s'arrêter en si bon chemin. L'Inde veut doubler sa capacité de production en énergies renouvelables d'ici 2030 et vise la neutralité carbone en 2070.
Dernier frein à cette ambition, et pas des moindres : la dépendance à la Chine. Leader mondial des énergies renouvelables, Pékin fournit l'essentiel des matières premières nécessaires à la production de panneaux solaires.
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