Le secteur agricole est souvent montré du doigt. Certes, il nourrit les hommes, mais il pollue la nature et contribue au changement climatique. L’agriculture, pourtant, est parfois une alliée du climat et de la biodiversité.
L’agriculture, alliée de l’environnement ? La question peut paraitre étonnante tant les agriculteurs sont accusés de tous les maux ou presque. Pesticides, cancers, pollution des sols, de l'eau, etc. En France par exemple, pays très agricole où la moitié du territoire est cultivée, l’agriculture est le troisième secteur le plus émetteur de gaz à effet de serre, après les transports et l'industrie.
Et pourtant, certaines formes d’agriculture peuvent avoir un effet positif. En témoigne une des leçons retenues après le plus gros incendie de l’été en France, dans le département de l’Aude – 16 000 hectares de bois et de végétation partis en fumée. Parfois, la vigne, celle qu'on n'avait pas arrachée, a permis d’arrêter le feu. « On voit bien cette ligne de démarcation, là, c'est un nuage de cendre, et là la vigne est échaudée, certes, mais elle a fait son effet. C’est l’effet coupe-feu, on le voit là naturellement », racontait un viticulteur sur la chaîne M6 quelques jours après le passage des flammes.
Au quotidien, l’agriculture rend des services écologiques. C’est le cas notamment des haies. On les avait beaucoup arrachées, dans le passé, un démembrement pour favoriser l’agriculture intensive et ses champs à perte de vue.
Mais depuis quelques années, on revient aux haies et à leurs bienfaits : « En matière de protection de l’eau, de ruissellement, la haie va lutter contre l’érosion des sols. Elle va permettre de capter du carbone en grande quantité, car elle est composée d’éléments ligneux. La haie abrite aussi un certain nombre d’auxiliaires, des insectes, des oiseaux, qui vont aller manger les parasites que nous avons dans nos cultures », détaille Philippe Henry, agriculteur bio dans l'est de la France et vice-président de l'Agence Bio, un organisme gouvernemental. La haie, c'est gagnant-gagnant
L'agriculture émet du CO2, et elle peut donc aussi en capter. C’est le cas des prairies, où on peut élever des vaches et récolter le fourrage pour les nourrir. Certes, les rots des bovins émettent beaucoup de méthane, l'un des gaz à effet de serre. Mais les prairies sont aussi des puits de carbone. Et elles ont d'autres qualités. Elles abritent d’abord une riche biodiversité. « Vous pouvez avoir 30 ou 40 espèces végétales auxquelles sont associées des espèces animales, décrit Phillipe Henry. C’est tout un écosystème qui permet par exemple de produire de l’eau de très bonne qualité parce que sous les prairies, vous avez de l’eau qui n’est pas contaminée par des polluants. »
Même l'agriculture conventionnelle, beaucoup moins vertueuse que l’agriculture biologique, peut être bénéfique à la biodiversité. La fertilisation, l'eau, permettent l'apparition d'autres espèces que celles qu'on cultive dans un champ. « Toutes ces conditions sont très favorables au développement de certains organismes, explique Xavier Reboud, chercheur en agroécologie à l'Institut national de la recherche pour l'agriculture et l'environnement (Inrae). Les premiers à en tirer profit sont les adventices, les "mauvaises herbes". Toute cette frange de plantes n’existerait pas sans l’agriculture. » Et les pollinisateurs, comme les abeilles, peuvent alors butiner leurs fleurs.
L'agriculture est la grande responsable du déclin des insectes, mais certains pollinisateurs peuvent bénéficier de certaines pratiques agricoles. C’est le cas de « l’engrais vert » que sèment certains agriculteurs pendant quelques mois, entre deux cultures. Si on prend l’exemple du blé ou de l'orge, on les moissonne au début de l'été, avant de ressemer à la fin de l'automne. Entre-temps, certains agriculteurs font pousser des espèces prairiales, de la phacélie ou de la luzerne par exemple. « Toutes ces espèces-là fleurissent et offrent un pollen à l’automne à l’ensemble des pollinisateurs, à une période qui sinon leur est peu favorable. Sans elles, elles seraient obligées de puiser dans leurs réserves de miel », souligne Xavier Reboud.
Dernier exemple, là encore contre-intuitif, de l’apport de l’agriculture à l’environnement : ce qu’on appelle en écologie l'hypothèse des perturbations intermédiaires, qui favorisent la biodiversité. Un champ cultivé entre deux zones naturelles, c'est une perturbation intermédiaire. « Les milieux qui ne sont jamais perturbés sont plus pauvres en biodiversité. Avec l’agriculture, on est capable de maintenir des systèmes dynamiques, alors qu’ils se fermeraient dans le cas contraire », explique encore le chercheur de l’Inrae. L'agriculture, parce qu’elle est une activité humaine, a toujours un impact sur l'environnement. Et parfois, cet impact peut être positif.
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