Au cœur du désert du Karakoum, au Turkménistan, un spectacle intrigant attire depuis plus de 50 ans voyageurs et curieux : le cratère de Darvaza, surnommé les “portes de l’Enfer”. Mais après un demi-siècle de flammes, l’immense brasier s’essouffle. Là où jadis des torrents de feu illuminaient la nuit, il ne reste plus que de timides flammèches. De quoi décevoir certains visiteurs, comme Irina, venue d’Achkhabad après cinq heures de route à travers le désert : “Je m’attendais à plus impressionnant”, reconnaît-elle.
Derrière l’image spectaculaire se cache pourtant une réalité bien moins pittoresque. Car Darvaza rejette en continu du méthane, l’un des gaz les plus nocifs pour le climat. Selon l’Agence internationale de l’énergie, le Turkménistan détient même le record mondial de super-émissions de méthane. Le cratère, devenu symbole, est donc dans le collimateur des autorités. Rebaptisé officiellement “lueurs du Karakoum”, il devrait être éteint prochainement.
La décision avait été prise en 2022 par l’ex-président Gourbangouly Berdymoukhamedov. Motif officiel : protéger la santé des populations et préserver l’environnement. Mais il y a aussi un argument économique : “De précieuses ressources partent en fumée”, avait déclaré le dirigeant. Et dans ce pays dont l’économie repose presque exclusivement sur ses immenses réserves gazières, chaque mètre cube compte. L’entreprise publique Turkmengaz assure avoir déjà réduit par trois l’intensité des flammes. Mais le travail est complexe : le sol du Karakoum est composé de multiples couches fines, entrecoupées de couches denses et humides. Cette structure entretient l’alimentation en gaz du cratère et explique pourquoi, depuis 1971, le feu ne s’est jamais éteint.
À l’époque, des géologues soviétiques avaient percé accidentellement une poche de gaz. Pour éviter l’intoxication des habitants et du bétail, ils décidèrent d’y mettre le feu, persuadés que la combustion durerait quelques jours. Elle dure encore aujourd’hui. Reste que l’extinction des “portes de l’Enfer” pourrait porter un coup au fragile tourisme turkmène. Pour de nombreux visiteurs étrangers, Darvaza est l’unique raison de braver les formalités et la surveillance étroite du régime. “Si le cratère s’éteint, une part importante de notre activité disparaîtra”, déplore un guide local. Alors, entre symbole climatique, enjeu économique et vitrine touristique, Darvaza vit peut-être ses dernières lueurs. Mais son héritage, lui, restera incandescent.
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