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Mar 2024
4m 21s

Le Tchad et la tragédie des fenêtres d’o...

Rfi
About this episode

« Je ne me voyais pas candidat, tant ma principale préoccupation était de faire aboutir cette transition dans la paix et la stabilité, dans un Tchad uni et réconcilié… Moi, Mahamat Idriss Déby Itno, je suis candidat à l’élection présidentielle de 2024 sous la bannière de la Coalition pour un Tchad uni », déclarait le président de transition du Tchad le 2 mars dernier à Ndjamena.

Pas de surprise pour ceux qui ont suivi les développements au Tchad, en particulier depuis la fin du dialogue national inclusif et souverain en octobre 2022, avec la validation de la possibilité d’une candidature du président de la transition à l’élection présidentielle. Cela constituait une remise en cause explicite d’un des principes de la gestion des coups d’État par les organisations africaines, qui voudrait que les auteurs d’un changement anticonstitutionnel de gouvernement ne se fassent pas tranquillement élire à la fin des périodes de transition comme présidents élus. 

Après le dialogue national, parfaitement circonscrit et orienté par les cercles du pouvoir, il ne restait plus qu’à Mahamat Idriss Déby Itno, lui-même, de décider d’écouter l’appel de son parti, celui de son défunt père, Idriss Déby Itno, mort le 20 avril 2021, et d’une coalition de partis et de mouvements qu’il n’aura pas été difficile de susciter et d’encourager. Scénario et mise en scène qui rappellent les années de parti unique et des pères de la nation, suppliés par des citoyens en pleurs de rester au pouvoir ad vitam æternam parce qu’ils seraient les seuls à pouvoir garantir la paix, la stabilité et l’unité du pays. 

C’est aussi le reniement d’un engagement personnel du chef militaire de la transition à ne pas rester au pouvoir au terme de celle-ci…

Tout à fait. En se portant candidat au scrutin prévu le 6 mai, Mahamat Déby Itno a renié son engagement initial de se limiter à conduire la transition qui s’est brusquement ouverte après la mort de son père. Il disait alors avoir accepté de prendre la direction d’un conseil militaire de transition pour préserver la sécurité du pays, une prise de pouvoir en violation de la constitution du Tchad qui prévoyait un intérim par le président de l’Assemblée nationale en cas de décès du président. Sur un continent où aime bien rappeler la sacralité de la parole donnée, on ne compte plus les chefs d’État civils et militaires qui renient leurs engagements sous les acclamations. 

Après moult tractations, l’Union africaine avait fait le choix d’un traitement spécial du changement anticonstitutionnel au Tchad, épargnant le pays des sanctions systématiquement appliquées aux pays ayant connu des coups d’État. Il s’agissait pourtant bien d’un coup d’État militaire, le général Mahamat Déby ayant été choisi par ses collègues militaires les plus influents dans le régime du père. La France, acteur extérieur le plus influent au Tchad, avait aussi de fait soutenu le passage de témoin d’un père maréchal, au pouvoir pendant 30 ans, à un de ses fils, jeune général alors âgé de 37 ans. 

Vous estimez que l’élection présidentielle du 6 mai a toutes les chances de maintenir le Tchad dans sa trajectoire politique des trois dernières décennies… Est-ce une certitude ? 

Non bien sûr, le pire n’est heureusement jamais certain. On ne peut pas exclure d’avoir de bonnes surprises, de voir un fils différent du père, de le voir engager des réformes allant dans le sens de la construction de quelque chose qui finira par ressembler un jour à un État de droit. On ne peut pas exclure ce très optimiste scénario, mais il est beaucoup moins probable que celui du statu quo. 

Ce qui se passe au Tchad est une confirmation des trop nombreux rendez-vous manqués dans beaucoup de pays africains, lorsque des fenêtres s’entrouvrent pour des changements significatifs de trajectoire politique, et qu’elles sont vite refermées. Deux jours avant la joyeuse cérémonie d’annonce de la candidature de Mahamat Déby, l’opposant virulent au sein du clan dominant, cousin du président, Yaya Dillo, était tué dans des circonstances qui ne seront vraisemblablement jamais élucidées. Et pour cause, le siège du parti de ce dernier, où se sont déroulés les affrontements, a été détruit et rasé. C’est ce Tchad-là, celui de la loi du plus fort, du plus armé, du plus brutal, qui a toutes les chances de se perpétuer après la prochaine élection et pendant longtemps.

À lire aussiTchad: une semaine après la mort de l'opposant Yaya Dillo, que devient son parti, le PSF?

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