Encore un coup de semonce contre le nouveau pouvoir ultra-libéral en Argentine. D’après la CGT, la principale centrale syndicale, un million et demi de personnes se sont mobilisées hier dans tout le pays, dont 600 000 rien qu’à Buenos Aires, la capitale. Des manifestions monstres et une grève générale, « la première », souligne El Pais à Madrid, « depuis l’arrivée au pouvoir il y a un peu plus d’un mois du président d’extrême droite Javier Milei ». Le pouvoir en place, lui, minimise, pointe le quotidien espagnol, et parle de 80 000 manifestants tout au plus dans la capitale.
La Nacion, quotidien argentin plutôt conservateur, reconnait l’impact de la grève générale : « Pas de trains, pas de bus, pas de métro, la pression syndicale s’est fait sentir dans tout le pays. » Pour autant, relève encore le quotidien argentin, « le président Milei ne semble pas inquiet, même si son programme économique ne tient qu’à un fil. Il fait le pari qu’avec une économie florissante au second semestre de cette année, les leaders politiques et syndicaux accepteront ses réformes. Ses détracteurs, eux, prévoient au contraire un durcissement du mouvement dans les prochaines semaines ».
Comment en est-on arrivé à ce bras-de-fer ? Le Guardian à Londres fait le résumé des épisodes précédents. « Milei est devenu président en décembre en promettant de libérer l’Argentine de décennies, a-t-il dit, de "décadence et de déclin", grâce à ses idées libertaires. Depuis lors, le politicien d’extrême droite a agi rapidement pour mettre en œuvre un programme qu’on pourrait qualifier de "thatchérisme sous stéroïdes", pointe le quotidien britannique, avec d’abord avec des décrets d’urgence, puis un projet de méga-réforme connu sous le nom de "loi omnibus". Avec à la clé, des centaines d’innovations très controversées, notamment, précise le Guardian, une vague de privatisations, de féroces réductions des dépenses, une expansion majeure des pouvoirs présidentiels et une réduction des droits des travailleurs et du droit de manifester. Neuf ministères sur dix-huit ont été supprimés, notamment ceux chargés de l’Éducation, de l’Environnement et des Femmes, du Genre et de la diversité. La monnaie argentine, le peso, a été dévaluée de plus de 50 % par rapport au dollar. Milei affirme que ces mesures sauveront l’Argentine de "l’enfer économique" qu’il impute à ses prédécesseurs péronistes. Mais, pointe encore le Guardian, la situation a empiré depuis son investiture. L’inflation mensuelle a atteint 25,5% le mois dernier, contre 12,8% en novembre. L'inflation annuelle a atteint un sommet à plus de 211 %, soit un niveau encore plus élevé qu'au Venezuela. » Le quotidien O Globo au Brésil exprime son inquiétude : « Milei et l’Argentine vivent une période de tension, et rien ne semble indiquer que cette tension va s’atténuer dans les semaines à venir. »
Paradoxe, souligne le New York Times, « de plus en plus d’Argentins semblent être d’accord avec le président Milei. Malgré le chaos économique, sa cote de popularité est restée élevée, voire a même augmenté en même temps que les prix. Des sondages récents montrent que 58% des Argentins le soutiennent, soit deux points de plus que son score à la présidentielle de novembre. (…) Milei bénéficie aussi du soutien des conservateurs à l’étranger, relève encore le New York Times. La semaine dernière, lors du Forum économique mondial de Davos, en Suisse, il avait affirmé que le capitalisme sans entraves était le seul modèle permettant de réduire la pauvreté. »
À la Une également, encore la course à la présidentielle aux États-Unis. La presse européenne en est convaincue : le duel final Trump-Biden aura bien lieu. « Rien n’arrête Donald Trump, soupire Le Temps à Genève. Moulin à mensonges répétés en boucle, Donald Trump domine pour l’instant le récit politique aux États-Unis. Il a réussi à retourner en sa faveur ses nombreuses inculpations. (…) Et il serait surprenant que la Cour suprême, acquise à sa cause, décide de son inéligibilité. Quant à une condamnation, elle pourrait intervenir trop tard pour avoir une influence sur la campagne. L’ultime obstacle sera, une fois encore, Joe Biden, un président au bilan inespéré mais usé par une interminable carrière et les épreuves de la vie. »
« Fatalité de cette année électorale, pointe Le Figaro à Paris : six Américains sur dix ne veulent pas d’un match retour Trump-Biden, mais les deux camps font tout pour qu’il advienne. (…) Joe Biden considère l’affaire comme déjà réglée : le 45e président sera l’adversaire du 46e en novembre. »