Comment se reconstruire après une guerre civile ? C’est la question qui s'est imposée à Omar et Wael Jalabi quand ils sont arrivés en France, fuyant la guerre civile qui avait débuté en 2011 en Syrie. Quelques années plus tard, les deux cousins tenaient la solution. Avant la guerre, ils possédaient un restaurant à Alep, l’une des plus grandes villes du pays. Exilés en France, ils allaient ouvrir à Lille, Syriana, la copie-conforme du restaurant qu’ils avaient dû fermer en Syrie. Depuis, cet établissement est devenu le point de ralliement pour la communauté syrienne. C'est le premier épisode de notre série d'été, Diasporas : la cuisine en héritage.
« Ce sont les photos des villes de Syrie : Alep, Damas, Homs », explique Omar Jalabi, la gorge nouée. A travers les photos, on devine le déchirement vécu par Omar et son cousin Wael, nostalgiques d’un pays désormais détruit.
Mais ce lieu et les photos sont aussi le moyen pour les deux cousins de faire revivre leur ancien restaurant d’Alep, souvenir de leur vie d’avant. Tout est à l’identique, du décor jusqu'aux recettes. « Malheureusement, je ne pouvais pas ramener autre chose de Syrie », soupire Omar.
Aujourd'hui, il nous prépare son plat mythique, celui qui l’a fait connaître à Alep et désormais à Lille : le falafel syrien. C’est un plat traditionnel à base de pois chiche frit. « C’est très simple et délicieux, mais difficile à préparer... Ça peut prendre entre 6h et 7h pour préparer les falafels tous les jours », explique Omar.
Le falafel est servi comme en Syrie : avec houmous, moutabal (caviar d’aubergines), une salade. Mais il s’autorise une exception : des frites pour faire honneur aux Lillois ! Le respect de la tradition, c'est sa manière de ne pas oublier son passé, sa famille, ses amis restés en Syrie. Avec son statut de réfugié, impossible pour Omar de rentrer en Syrie, même en tant que touriste.
Derrière son costume élégant et sa jovialité, Omar ne cache pas sa tristesse malgré son amour pour la France, « Tout me manque : ma vie en Syrie, ma maison, ma voiture, mes amis » Toutefois, les cousins ont reformé une petite communauté autour de leur établissement. Dans la cuisine, on rencontre Ibrahim. C'est le sous-chef du restaurant. Lui aussi est un réfugié syrien. Il est arrivé à Lille il y a seulement 6 mois, en provenance d'Alep, où il tenait son propre restaurant avant la guerre. Omar, Wael et Ibrahim ne s’étaient jamais rencontrés en Syrie, jusqu’au jour où Ibrahim, exilé à Lille, a poussé la porte du restaurant à la recherche d’un emploi. Les photos, la décoration, le falafel, le ramènent à une époque d’insouciance et lui font oublier les souvenirs douloureux de ces dernières années : « Ce restaurant à Lille me fait revivre tous les bons souvenirs de mon propre restaurant à Alep en Syrie. Aujourd'hui, pouvoir faire le même travail que je faisais en Syrie ça me rend heureux. J’ai l’impression de ne pas avoir complètement quitté la Syrie », explique Ibrahim, visiblement ému.
La communauté syrienne de Lille est petite, mais c’est déjà une grande victoire pour Omar. Ce restaurant traditionnel n’est pas seulement un moyen pour lui de se reconstruire, mais de permettre aussi aux familles syriennes exilées dans la région de Lille de ne pas oublier leur vie d’avant-guerre.
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