La réponse, de plus en plus évidente pour les neuroscientifiques, tient en grande partie à la dopamine libérée lorsque vous consultez votre téléphone.
Chaque notification, chaque défilement de fil d’actualité, chaque ouverture d'application déclenche un petit pic de dopamine dans le système de récompense du cerveau. Ce circuit, centré sur le striatum et le cortex préfrontal, réagit fortement à la nouveauté, à l’anticipation et à la surprise – trois éléments que les smartphones offrent en continu. Le problème, c’est que ces micro-stimulants répétés finissent par modifier la sensibilité de ce circuit.
À force d’être sollicité des dizaines, parfois des centaines de fois par jour, le cerveau s’adapte. Il augmente son seuil d’activation : il faut plus de stimulation pour obtenir le même degré de satisfaction. Résultat : les plaisirs simples – écouter de la musique calmement, savourer un café, marcher, lire – déclenchent moins de dopamine, donc moins de plaisir. Le contraste avec l’intensité rapide et imprévisible du téléphone rend les activités du quotidien « plates » en comparaison.
Une étude publiée en 2022 par Upshaw et al., intitulée The hidden cost of a smartphone: The effects of smartphone notifications on cognitive control from a behavioral and electrophysiological perspective, apporte un éclairage important. Les chercheurs montrent que les notifications de smartphone captent instantanément les ressources attentionnelles et altèrent le contrôle cognitif, modifiant le fonctionnement du cerveau même lorsqu’on ignore volontairement la notification. Si l’étude ne mesure pas directement la dopamine, elle met en évidence un mécanisme compatible avec la saturation du système de récompense : une exposition continue aux signaux numériques perturbe les circuits impliqués dans l’attention, la motivation et, indirectement, la perception du plaisir.
Ce phénomène s’apparente à une forme de « tolérance ». Comme pour toute stimulation répétée du circuit dopaminergique, le cerveau devient moins réceptif aux récompenses modestes et réclame des stimuli plus intenses ou plus fréquents pour atteindre le même niveau de satisfaction. Le téléphone, avec ses micro-récompenses permanentes, devient alors l’option la plus simple pour obtenir un petit shoot dopaminergique. Et à l’inverse, les petites joies du quotidien deviennent silencieuses.
La bonne nouvelle, c’est que ce processus est réversible. En réduisant l’exposition aux notifications, en créant des plages sans écran, et en réintroduisant des activités lentes et régulières, le circuit de récompense peut se réajuster. Mais il faut du temps : un cerveau saturé de petites récompenses demande un sevrage progressif pour réapprendre à goûter l’essentiel.
Hébergé par Acast. Visitez acast.com/privacy pour plus d'informations.