Dans la catégorie critiquée et redoutée de la critique ciné, au sein de ce métier malmené par la concurrence des algorithmes publicitaires, Murielle Joudet fait figure de rempart, de meilleur espoir. Signature cinglante du journal Le Monde depuis 2017, mousquetaire sur France Inter du nouveau Masque et la plume depuis 2024, la journaliste et autrice parisienne est la jeune première qui monte, acerbe et bien renseignée, incollable (ou presque) sur l’âge d’or d’Hollywood. À 34 ans, l’ex-chroniqueuse au lance-flammes du magazine Chronicart, vue dans l’émission Le Cercle sur Canal+, semble déjà reconnue comme la « bad cop » du milieu, sa mauvaise conscience, à la recherche du « grand » cinéma.
Mais comment cette stakhanoviste autodidacte a-t-elle formé son goût et ses dégoûts ? « Entre 17 et 24 ans, on attend que la vie commence et le cinéma est une sorte de teaser. Mais le décalage est toujours un peu décevant », dit cette lectrice de Sylvia Plath et de Pierre Michon, fan d’Éric Rohmer ou d’Abdellatif Kechiche, qui passa « religieusement » sept ans dans les salles obscures en marge de ses études de philo. « Les cinéphiles peuvent faire l’économie du dehors, comme si tous les films vus recouvraient la surface du monde, pour ne plus avoir à le voir – j’ai été comme ça, je le suis encore un peu. »
Qu’a-t-elle retenu de son exposition aux princesses et sorcières de Walt Disney ? Ou de ses nuits à zapper pour tomber sur le cinéma queer de Paul Morrissey ou Les hommes préfèrent les blondes avec Marilyn Monroe, dont la pluie de couleurs et de diamants lui donna l’idée « de travailler sur les images » ? Comment cette blogueuse graphomane a-t-elle professionnalisée sa « vie intérieure hyper-trophiée » ? Ces questions sont à l’affiche de ce premier épisode, à écouter les yeux grands ouverts.
L’autrice du mois : Murielle Joudet
Née en 1991 à Paris, Murielle Joudet est critique de cinéma dans la presse (Le Monde), à la radio (sur France Inter pour Le masque et la plume), en ligne (dans le podcast Sortie de secours ou via l’émission Dans le film sur le site Hors-Série) ou pour la Cinémathèque française. Elle a publié quatre ouvrages qui documentent avec rigueur des façons de défier les conventions, en tant que femme, dans l’industrie du 7e art : Isabelle Huppert – vivre ne nous regarde pas (Capricci, 2018), Gena Rowlands – on aurait dû dormir (Capricci, 2021), La seconde femme – ce que les actrices font à la vieillesse (Premier Parallèle, 2022) et un recueil d’entretiens avec la cinéaste Catherine Breillat, Je ne crois qu’en moi (Capricci, 2023). Elle vit et travaille à Paris.