Murielle Joudet le répète à l’envi : « Il faut prendre les actrices au sérieux, restituer avec justice et justesse leur importance dans nos vies, prendre en compte comment certaines ont su manœuvrer pour continuer d’apparaître telles qu’en elles-mêmes, y compris dans des films où le regard masculin est apparemment tout-puissant. Sans pour autant tomber dans l’illusion de leur liberté absolue car, bien sûr, l’industrie est là, souveraine. » Dans son troisième livre plein d’esprit, La seconde femme, elle dresse huit portraits de comédiennes qu’elle observe « jusqu’à plus soif » pour comprendre ce que Nicole Kidman, Meryl Streep, Brigitte Bardot ou son idole Bette Davis réussirent à imposer au système dans le deuxième acte de leur carrière – à force de travail, de bâtons de dynamite ou de simple désertion.
Ces derniers temps, Murielle Joudet a aimé Monte-Cristo version Pierre Niney, Max Mad : Furiosa, Joker 2, Bridget Jones 4, France de Bruno Dumont, The Substance de Coralie Fargeat, Anora de Sean Baker ou Spring breakers d’Harmony Korine. Des coups de cœur éclectiques, qui se comptent chaque année sur les doigts d’une main. « Habituellement, confie-t-elle, on peut écrire le texte dans sa tête pendant la projo, on sait exactement ce qu’on pense du film à la sortie et la plupart des œuvres font de moi une critique snob et blasée. Mais une ou deux fois par an, un film me désarme complètement. »
En conséquence, cette spectatrice exigeante préférera toujours « voir cinquante fois un chef-d’œuvre plutôt qu’une fois une œuvre plaisante », selon la formule de la cinéaste et écrivaine Catherine Breillat, femme « scandale » à laquelle Joudet consacre en 2023 un recueil d’entretiens, Je ne crois qu’en moi, sacré meilleur ouvrage français sur le cinéma par le Syndicat de la critique.
Dans ce troisième et dernier épisode, Murielle Joudet réaffirme ses envies d’enquêtes sur la fabrique des images, en « calmant ses envies de style, sans chercher l’éclat à tout prix ». Tout en rappelant l’existence d’un collectif qui ne manquera pas de fédérer des vocations : « Pigistes en pyjama ».
L’autrice du mois : Murielle Joudet
Née en 1991 à Paris, Murielle Joudet est critique de cinéma dans la presse (Le Monde), à la radio (sur France Inter pour Le masque et la plume), en ligne (dans le podcast Sortie de secours ou via l’émission Dans le film sur le site Hors-Série) ou pour la Cinémathèque française. Elle a publié quatre ouvrages qui documentent avec rigueur des façons de défier les conventions, en tant que femme, dans l’industrie du 7e art : Isabelle Huppert – vivre ne nous regarde pas (Capricci, 2018), Gena Rowlands – on aurait dû dormir (Capricci, 2021), La seconde femme – ce que les actrices font à la vieillesse (Premier Parallèle, 2022) et un recueil d’entretiens avec la cinéaste Catherine Breillat, Je ne crois qu’en moi (Capricci, 2023). Elle vit et travaille à Paris.