Notre rendez-vous éco de l'été. Pendant quinze jours, RFI revient sur les grands boycotts de l'histoire. Quand David fait trembler Goliath en usant de l'arme économique. En 1974 éclate le scandale du lait en poudre Nestlé. L’entreprise basée en Suisse promeut dans les pays dits du « Tiers-monde » son lait infantile. Faute d’un accès suffisant à l’eau potable, et des conditions d’hygiène pour les biberons difficiles à remplir, le développement de sa consommation a pour conséquence de graves maladies pour les bébés. Il conduit même à des décès. La stratégie commerciale agressive de Nestlé pour inciter les femmes à utiliser le lait en poudre va conduire à un boycott dans le monde des produits Nestlé pendant plusieurs décennies.
L’affaire du lait en poudre prend de l’ampleur avec les poursuites en justice intentées par la firme helvète pour diffamation contre le Groupe de travail « Tiers-monde ». Ce dernier a repris le rapport de l’ONG, War On Want, et l’a retitré : « Nestlé tue les bébés ». À l’époque, la RTS en fait le compte rendu : « Accusation encore de l’article : les firmes utilisent des moyens publicitaires contestables. Elles engagent des nurses qui sont en fait des vendeuses déguisées, elles font passer des messages à la radio qui dissuadent les mères à allaiter. »
La justice tranche et le Groupe de Travail « Tiers-monde » est condamné à une amende symbolique. La bataille commence. Le 7 juillet 1977, le boycott des produits Nestlé est lancé aux États-Unis. Des brochures sont distribuées, des défilés avec des cercueils et des banderoles sont organisés et des listes de produits Nestlé à boycotter sont partagées.
À la manœuvre, Infact, the Infant Feeding Action Coalition. Cette dernière rallie à sa cause Églises et syndicats. S’ouvrent alors plusieurs années de boycott économique, l’un des plus importants de l’histoire américaine. L’objectif : imposer le sujet dans le débat public et obtenir l’arrêt des campagnes de promotion de Nestlé dans les pays en développement. En 1978, le sénateur Edward Kennedy convoque une audience publique sur le sujet. Un responsable de Nestlé est alors entendu au Sénat américain. « Êtes-vous d'accord avec moi pour dire que votre produit ne doit pas être utilisé avec de l’eau non potable ? Oui ou non ? », interroge de manière pressante le sénateur Edward M. Kennedy. « Nous donnons toutes les instructions » pour en faire bon usage, tente de justifier le représentant de Nestlé. « Répondez simplement », lui oppose le sénateur. « Bien sûr que non. Mais nous ne pouvons pas gérer cela », se défend alors le représentant de l’entreprise.
Le boycott essaime un peu partout dans le monde. Une véritable bataille d’influence est lancée. En 1981, le Washington Post révèle une note interne de Nestlé sur la stratégie du groupe pour contrecarrer cette campagne. Nos confrères d’Antenne 2 font le point en 1986 : « C’est une des grandes batailles de la 2ᵉ moitié du 20ᵉ siècle, on pourrait même dire que c'est une guerre parce que ça a duré six ans une guerre acharnée entre la firme Nestlé d'une part, et d'autre part des organisations de défense des consommateurs soutenues par des églises qui ont boycotté pendant six ans dans différents pays du monde, notamment aux États-Unis et en Europe. Tous les produits de cette firme puisque c'est la première multinationale de l'alimentaire. Alors, selon Jean-Claude Buffle, ce boycottage qui s'est terminé en 1984, a été très dommageable. Nestlé y a laissé beaucoup de plumes. En fait quelque chose comme 3 milliards de dollars ».
Un mouvement qui a poussé l’adoption par l’OMS d’un code international de commercialisation des substituts du lait maternel. Le mouvement de boycott contre le lait maternel Nestlé se poursuit. Des actions sont toujours ponctuellement menées, notamment au Royaume-Uni.