Une espèce animale sur trois risque à terme de disparaître de la planète. Mais certaines politiques de conservation sont des succès, à l'image de la renaissance du tigre en Asie.
Au Congrès mondial de la nature, qui s’ouvre aujourd’hui à Abu Dhabi, aux Émirats arabes unis, l'UICN, l'Union internationale pour la conservation de la nature, va dévoiler sa nouvelle liste rouge des espèces menacées. Une liste publiée chaque année, et qui s'allonge chaque année. Mais dans un avenir (et même un présent) sombre pour la biodiversité, il y a toutefois quelques bonnes nouvelles, que symbolise un animal emblématique et charismatique : le tigre.
Au début du XXe siècle, environ 100 000 tigres vivaient en Asie. Un siècle plus tard, on n’en comptait plus que 3 200, à cause de la chasse, du braconnage et de la disparition de son habitat naturel sous la pression humaine. Une hécatombe, et une espèce au bord de l'extinction. Mais aujourd'hui le tigre est un symbole de la résilience de la nature.
Le tigre est la preuve que ce qu'on appelle les politiques de conservation peuvent réussir. En 2010, sous la pression d'ONG, notamment le WWF, le Fonds Mondial pour la nature, un Sommet du tigre est organisé à Saint-Pétersbourg, avec les 13 pays qui abritent le grand prédateur tigré : la Russie, l'Inde, la Chine ou encore le Népal. Avec un objectif, doubler la population des tigres en 12 ans – en 2022, c’était l’année du tigre dans le calendrier lunaire…
En Thaïlande, le nombre de tigres a triplé en 20 ans. Au Kazakhstan, où le félin avait disparu depuis 70 ans, sa réintroduction est aussi un succès. Et en Inde, où vivent les trois quarts des tigres de la planète, la population a doublé en 12 ans. « On a fait cela en préservant des espaces dans lesquels le tigre peut vivre sans être tué, sans être affamé par le manque de nourriture, et par ailleurs où les gens peuvent vivre aussi sans se faire manger par le tigre, explique Yann Laurens, qui dirige le pôle Biodiversité terrestre du WWF France. On a donc mis en place des programmes dans lesquels on protège les populations locales, et d’autre part on fait en sorte que dans les forêts concernées il y ait du gibier dont le tigre a besoin pour manger. On lutte aussi contre le braconnage ».
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La cohabitation entre humains et animaux est l’une des clés de la réussite des politiques de conservation, alors que l'ONG Survival International dénonce régulièrement le déplacement de populations locales pour faire de la place au tigre. Conséquence de ces expulsions, les villageois deviennent hostiles au tigre, et complices des braconniers. Les activités humaines dans la nature doivent aussi être repensées. « Quand une espèce a disparu, quand un écosystème s’est dégradé, c’est parce que la manière de produire et de consommer, la manière d’élever le bétail, de semer, etc., a été modifié dans un sens qui va vers l’industrialisation. Conserver la nature, cela se fait avec des gens qui veulent bien travailler d’une manière qui va être favorable à la biodiversité », estime Yann Laurens.
En France, la cohabitation humains-animaux est aussi l’enjeu de la présence du loup. Le prédateur avait été éradiqué au début du XXe siècle. Il y en a un millier aujourd'hui. Il n'a pas été réintroduit, il est revenu tout seul, en passant la frontière italienne. Une bonne nouvelle pour la biodiversité. Mais une source de conflits avec les éleveurs. Alors pour protéger le loup, il faut protéger les moutons. « On a mis en place des mesures pour permettre à l’élevage de cohabiter avec le loup, en améliorant la protection des troupeaux. On fait en sorte que le loup laisse les éleveurs tranquilles, pour que les éleveurs laissent le loup tranquille », résumé Yann Laurens, du WWF. Les activités humaines sont les premières responsables du recul de la biodiversité. Sauver des animaux, c'est aussi sauver notre humanité.
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