Le plan proposé par Benyamin Netanyahu pour en finir avec le Hamas et contrôler Gaza provoque l'indignation dans le monde entier, sans compter les critiques émanant de la société israélienne. Ce mécontentement généralisé peut-il modifier l'orientation du Premier ministre ? Notre invité Dominique Vidal, ancien rédacteur en chef au Monde diplomatique, désormais à Historia et auteur de Palestine Israël, une histoire visuelle aux éditions du Seuil, nous répond.
RFI : Est-ce que le mouvement de contestation en Israël peut permettre de défaire ce plan de contrôle de Gaza et d'aboutir au retour des otages retenus par le Hamas ?
Dominique Vidal : De la manière dont Netanyahu manipule, l’avenir de Gaza n'est absolument pas de nature à libérer les otages. C'est d'ailleurs pourquoi je pense, contrairement à ce qui a été le cas jusqu'ici, une majorité d'Israéliens exige maintenant l'arrêt de la guerre et la libération des otages grâce à un cessez-le-feu.
Les grandes manifestations sont récurrentes en Israël, mais est-ce que cela réussit à faire changer la politique du gouvernement ?
La politique de Netanyahu répond à deux soucis principaux. Évidemment d'avancer dans la voie d'un nouvel exode des Palestiniens, ceux de Gaza, mais aussi et surtout, se sauver du procès qui l'attend et dans lequel il risque d'être très lourdement condamné.
Mais ce qui se passe en Israël n'est pas le seul aspect de difficulté pour Netanyahu. Il y a aussi cette vague de reconnaissance annoncée de l'État de Palestine, depuis que le président Macron a lui-même annoncé cette décision pour le mois de septembre. On a une quinzaine d'États qui, d'une manière ou d'une autre, ont pris le même chemin. On risque d'arriver donc à la rentrée, à New York, en assemblée générale à l'ONU, à une majorité écrasante de pays reconnaissant l'État de Palestine. Il y en avait 148 avant l'annonce du président Macron. Il y en a une quinzaine de plus aujourd'hui.
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L'opposition israélienne se rend bien compte de cette indignation internationale. Mais est-ce que ça la motive encore plus ?
Oui, visiblement, il s'est passé quelque chose dans le mois écoulé, puisqu’on a aujourd'hui 600 responsables de l'armée ou des services de renseignement qui en appellent au président Trump pour qu'il enjoigne Netanyahu à cesser le feu.
Ce dimanche à 13 h 30 TU, le Premier ministre israélien tient une conférence de presse à destination des journalistes internationaux, Que peut-on en attendre ?
Pas grand-chose. On sait ce que Netanyahu a comme projet, et il aura obtenu de son cabinet de sécurité et de son gouvernement un appui pour ce projet. Mais encore une fois, l'horreur du génocide infligé aux Gazaouis est telle qu’il y a tous les éléments pour cette espèce de bascule, à la fois en Israël et sur le plan international.
Si le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahu va jusqu'au bout de son plan de contrôle de Gaza, si on suit sa logique, que vont devenir les deux millions de personnes qui y habitent ? Est-ce qu'on se dirige vers un contrôle avec des check-points comme en Cisjordanie occupée et pourquoi pas, à terme, des installations de colons à Gaza ?
C'est ce dont rêve l'extrême droite à laquelle Netanyahu s'est allié depuis 2022. Mais aujourd'hui, on imagine mal comment le projet de « nouvelle Nakba », comme disent les Palestiniens, de nouvelle catastrophe, c'est-à-dire d'expulsions massives de Palestiniens depuis leurs foyers, peut aboutir. Parce qu'il faudrait avoir un pays ou des pays arabes prêts à accueillir ces réfugiés palestiniens. Et jusqu'ici, en tout cas, aussi bien l'Égypte que la Jordanie, qui ont été approchés par les États-Unis, ont dit qu'ils n'accepteraient aucun réfugié, que l'avenir des Palestiniens était en Palestine et qu'il fallait donc reconnaître l'État de Palestine.
En Israël, l'armée est un pouvoir fort et est-ce que l'opposition au Premier ministre et au gouvernement peut venir de cette armée ? On voit que des réservistes sont déjà plus que réticents. Alors est-ce qu'il peut y avoir un un mouvement général ?
Oui, il y a beaucoup de signes de malaise de l'armée. On a aussi, il faut le dire, des suicides en grand nombre de soldats qui sont partis faire la guerre. Cette guerre qu'on appelle guerre, mais qui est un génocide, encore une fois, et qui ne supportent pas ce qu'on aura, ce qu'on leur a fait faire là-bas.
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