Alors que la population mondiale dépasse les 8 milliards de personnes, la démographie est-elle un facteur aggravant des crises climatiques et environnementales ?
Sommes-nous trop nombreux sur Terre ? Cette question était déjà posée il y a plus de 200 ans, quand la population mondiale n'atteignait même pas un milliard d'habitants – on dépasse aujourd'hui les huit milliards de Terriens... L'économiste britannique Thomas Malthus l'avait théorisé dès la fin du XVIIIe siècle : pour lui, la population progresse plus vite que les ressources, et c'est un problème. Malthus avait ensuite donné naissance à un courant de pensée qu'on a appelé le malthusianisme. Repris par exemple par le rapport Meadows (Les Limites de la croissance), publié en 1972. Quelques années avant, un universitaire américain, Paul Ehrlich, avait fait un carton en librairie avec un livre intitulé La Bombe P. (comme il y a la bombe A, la bombe atomique, il y aurait, selon lui, la bombe population...). Il avait ainsi élaboré un scenario catastrophe qui annonçait une famine généralisée sur Terre dans les années 80... « On est dans le contexte de l'après-guerre, à un moment où la croissance démographique des géants, la Chine et l'Inde, fait extrêmement peur, rappelle la démographe française Valérie Golaz, enseignante chercheuse à l'Ined, l'Institut national des études démographiques. Aujourd'hui, c'est un débat qui revient, mais on est dans un contexte très différent, où la croissance de la population mondiale est presque passée, puisqu'on sait qu'elle va bientôt prendre fin ». À la fin de ce siècle, selon les Nation unies, la population mondiale devrait se stabiliser autour de 10 ou 11 milliards de personnes.
Intuitivement, on peut penser qu'une population trop importante entraine des menaces pour l'environnement ; exploitation des ressources, urbanisation au détriment des zones naturelles. Il peut être aussi légitime de s'interroger sur le lien entre croissance démographique et émissions de gaz à effet de serre ; plus d'émetteurs de CO2 aggraverait la crise climatique. On pourrait même s'en inquiéter quand on constate que la population mondiale est passée, depuis la Révolution industrielle, d'un milliard de personnes à plus de huit milliards aujourd'hui. On pourrait aussi le penser quand on lit ici où là que l'Afrique subsaharienne sera responsable de 80% de l'augmentation de la population mondiale d'ici la fin du siècle. Mais il faut se méfier des généralités. « Il y a une sorte d'association d'idées entre Afrique, pauvreté et croissance démographique, en lien avec ces problèmes environnementaux. Or, ce qu'on observe, et les résultats le montrent à l'échelle planétaire, ce sont en fait les pays les plus riches, et au sein des pays les plus riches les personnes le plus riches, qui polluent et produisent le plus de CO2 », relève Valérie Golaz. Autrement dit, 150 000 Américains, par exemple, émettent autant de CO2 que 24 millions de Maliens. Ce sont surtout les modes de consommation qui interrogent.
Mais la crise climatique et la crise environnementale peuvent-elles avoir un effet sur la démographie ? Est-ce qu'on ferait moins d'enfants dans un monde qui s'annonce invivable ? Le mouvement No kids (pas d'enfant) reste un phénomène ultra-marginal, ultra-médiatisé, et très occidental. Plutôt que sur la natalité, c'est d'abord sur la santé que les questions climatiques et environnementales peuvent avoir un effet. « Il y a une exposition aux risques qui est plus importante, que ce soit les phénomènes de pollution ou la question du changement climatique lui-même, estime Valérie Golaz, qui travaille aussi au Laboratoire Population Environnement et Développement de l'université Aix-Marseille. C'est vraiment à ce niveau-là qu'il y a un enjeu dans les décennies qui viennent. Le changement climatique a davantage d'impacts sur la santé, et peut-être plus marginalement sur la mortalité, mais quand même aussi sur la mortalité, que sur la natalité, où les liens sont moins directs ». On peut donc continuer (ou commencer) à faire des enfants. Le vieillissement de la population mondiale (et donc le renouvellement des générations) est un sujet autrement plus sensible.
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