Depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie en 2022, près de 200 milliards d’euros d’actifs russes sont gelés en Europe. S’ils produisent toujours des intérêts, leur gestion suscite aujourd’hui de vives inquiétudes, notamment de la part de la direction d’Euroclear, géant européen du dépôt de titres. En cause : le risque juridique et financier d’une mauvaise utilisation de ces fonds. Décryptage.
Depuis février 2022, l’Union européenne a gelé environ 200 milliards d’euros d’avoirs appartenant à la Banque centrale de Russie et à plusieurs entités ou individus russes. Ces fonds sont principalement logés chez Euroclear, à Bruxelles. Bien que la Russie ne puisse pas y accéder, ces actifs continuent de générer des intérêts : en 2023, ils ont rapporté plus de 4 milliards d’euros. L’Union européenne refuse pour l’instant de toucher au capital lui-même, considéré comme appartenant encore à la Russie. Cependant, les intérêts produits sont en partie utilisés pour soutenir financièrement l’Ukraine. Bruxelles envisage désormais d’aller plus loin en investissant ces liquidités dans des placements financiers susceptibles de générer davantage de revenus.
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Cette possibilité d’investissement soulève de sérieuses inquiétudes. La directrice générale d’Euroclear, Valérie Urbain, a récemment tiré la sonnette d’alarme : selon elle, investir ces avoirs dans des produits financiers plus risqués reviendrait à « ouvrir la boîte de Pandore ». Le principal problème est juridique : c'est que les avoirs restent russes. Utiliser le capital, même indirectement, pourrait être perçu comme une forme d’expropriation. Et si ces investissements venaient à mal tourner, Euroclear, en tant que dépositaire, pourrait être tenue de rembourser la Russie sans avoir les fonds disponibles.
Au-delà du cas russe, ce débat soulève une question plus large sur la sécurité juridique des capitaux étrangers détenus en Europe. Une décision précipitée ou risquée pourrait saper la confiance des investisseurs internationaux et faire grimper le coût de la dette pour les pays européens. C’est précisément ce que redoute Euroclear : que l’Europe, en exploitant ces avoirs russes, déclenche une crise de confiance majeure sur les marchés mondiaux. Le sujet sera d’ailleurs au cœur des discussions à Bruxelles dans les semaines à venir, lors d’un nouveau round de négociations mené par la Commission européenne.
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