La lumière, mais aussi les microalgues, sont responsables de la couleur de l'eau de mer. Le changement climatique pourrait modifier la coloration des océans, un phénomène déjà visible en Arctique et en Antarctique.
On l'appelle « la planète bleue », mais c’est d'ailleurs paradoxal, puisque la Terre est recouverte à plus de 70 % par de l'eau. Ce surnom de planète bleu est en fait assez récent et date de la mission Apollo 17 qui avait emmené les derniers hommes marcher sur la Lune, en 1972. En vol, les astronautes prennent une photo de la Terre qui va rester célèbre : la Terre toute bleue dans l'Univers tout noir.
C’est la lumière qui donne leur couleur aux mers et aux océans. Le spectre de la lumière s’étend du rouge jusqu’au bleu – les couleurs de l’arc-en-ciel. L’océan absorbe toutes les couleurs de la lumière du soleil, sauf le bleu, qui est renvoyé à la surface. Mais ce n'est pas le seul phénomène à l'œuvre.
« Ce qui va donner sa couleur à l'océan, ce sont surtout les communautés de plancton, précise Vincent Doumeizel, conseiller océans aux Nations unies. Le plancton représente 90 % de la biomasse dans les océans. Donc quand on croit qu'une goutte d'eau est vide, en réalité, elle est remplie d'environ un million d'organismes différents. Et un litre d'eau, on est à un milliard d'organismes. » Tout un monde, d’ailleurs, qui absorbe du CO2. Le plancton des mers et des océans capte entre 30 % et 40 % du principal gaz responsable du réchauffement climatique.
Le changement climatique a d’ailleurs un effet sur la couleur des océans Arctique et Antarctique. Elle est en train de changer, comme vient de le révéler une étude publiée dans Nature : elle devient plus bleue. Sous l'effet du réchauffement climatique, la banquise fond, la lumière pénètre davantage dans l'eau, et d'autres microalgues font leur apparition. Un phénomène qui va s'accentuer. « Il y aura une lumière différente, il y aura une température qui va être différente. La salinité va elle-même être très différente puisque les glaciers vont relâcher de l'eau, froide et douce. Toutes ces conditions vont donc modifier les communautés planctoniques à la surface, elles qui donnent pour l'essentiel sa couleur à l'océan. Donc la couleur de l'océan va changer », précise Vincent Doumeizel. Ces changements auront d’ailleurs des effets sur la chaine alimentaire et toute la biodiversité.
Une microalgue est à l’origine d’un phénomène spectaculaire observé sur certains glaciers, et qu’on appelle cascades de sang, ou sang des glaciers : de véritables cascades d'eau rouge qui surgissent des icebergs. « Les glaciers se couvrent de rouge, se couvrent en fait d'une microalgue qu'on appelle Sanguina et ce sang des glaciers, qui est un peu le leur et sans doute beaucoup le nôtre, à terme, va contribuer à accélérer la fonte des glaciers, puisque ces glaciers, n'étant plus blanc, renvoient moins la chaleur du soleil, les rayons du soleil, et donc accélèrent la fonte des glaciers », décrit Vincent Doumeizel.
Dans l'histoire de la planète Terre, les océans n'ont pas toujours été bleus. Il y a trois milliards d'années, environ, c'était plutôt la planète verte : les océans étaient verts, puis ils sont devenus rouges, tout cela sous l'effet du microplancton. « Il y a eu du vert parce qu’il y a eu des proliférations d'organismes chlorophylliens, explique Vincent Doumeizel, qui publie dans quelques jours Le Manifeste du plancton (éditions Equateurs). Après, il est devenu rouge puisque le fer s’est oxydé avec la présence d'oxygène, car les organismes chlorophylliens ont libéré de l'oxygène, ce qui était nouveau. Donc en effet, la couleur de notre planète, la couleur des océans, est extrêmement définie par les types de plancton qui prolifèrent à une époque ou à une autre. »
Les océans pourraient redevenir rouges, sous l’effet des microalgues responsables des « marées rouges ». Ou violet, en raison du souffre déversé en cas de fortes activités volcaniques. Avec le réchauffement climatique, on risque en tout cas d'en voir de toutes les couleurs.