L'acier, produit avec du charbon, représente environ 10% des émissions de CO2. Des pistes existent pour fabriquer un métal plus vertueux. Encore faut-il que les industriels le veulent, comme ArcelorMittal, le numéro un mondial.
ArcelorMittal est sur la sellette, et pas seulement pour l’annonce de quelques 600 emplois supprimés en France. Le numéro un mondial de la sidérurgie, qui tient aujourd’hui son assemblée générale, est aussi l’un de plus gros pollueurs de la planète. La mauvaise réputation de l’acier n’est pas usurpée. Pour produire de l’acier, il faut du charbon, la pire énergie qui soit pour la planète et ses habitants, même si on n’a pas toujours pensé ainsi. Dans les années 50, on était fier de lancer la Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA), l’ancêtre de l’Union européenne, créée en 1952, comme en témoignent les actualités de l’époque illustrées par de magnifiques images de cheminées de hauts fourneaux recrachant des fumées noires. Noires pas seulement parce que la télé était en noir et blanc…
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La responsabilité de l’acier dans le réchauffement climatique est énorme. La production mondiale d’acier représente environ 10% des émissions de CO2. Pour produire une tonne d’acier, on émet presque deux tonnes de CO2. L’acier est aussi le premier métal utilisé dans l’industrie. « On en consomme beaucoup, 200 kilos par personne et par an, dans le monde, confirme Maxime Girardin, expert en énergie et industrie au sein de France Stratégies, le commissariat général à la prospection. La transformation du minerai en acier est aussi très consommatrice d'énergie. Et aujourd'hui, cette énergie, c'est avant tout du charbon ».
De l’acier, il y a en a partout, dans les voitures, dans les boites de conserve, et en premier lieu dans le bâtiment et la construction. Le projet Neom, par exemple, la ville nouvelle soi-disant du futur que l’Arabie saoudite construit dans le désert, consomme en ce moment 20% de l’acier mondial, en dépit de la promesse d’une ville à « zéro émission carbone » – sans doute de l’humour saoudien.
Le problème, c’est qu’il est difficile de se passer du charbon pour produire de l’acier. L’acier, pour résumer, c’est du fer et du charbon, sous forme de coke qui permet de chauffer les hauts fourneaux à une température extrême, jusqu’à 1 500 degrés environ. Aujourd’hui, on ne sait pas fabriquer de l’acier juste avec de l’électricité, on peut seulement le recycler. « On a souvent entendu que c'était un secteur difficile à décarboner. C’est le cas pour tous les secteurs évidemment. Ce sont des transformations, et rien n’est jamais extrêmement simple. Pourtant, quand on regarde dans le détail, d’un point de vue technologique en tout cas, ce ne parait pas incroyablement difficile à réaliser dans les prochaines décennies », assure Maxime Girardin.
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Plusieurs pistes existent pour décarboner l’industrie de l’acier. « Ça passe d'abord par le recyclage qui évite d'extraire, importer et transformer le minerai. On le fait déjà presque au maximum des capacités aujourd’hui. Le deuxième levier, c'est de mieux maîtriser nos consommations. Enfin il faut réussir à se passer du charbon. On peut s’appuyer d'abord sur le gaz fossile, de préférence avec capture et stockage des émissions, voire sur le gaz hydrogène ou encore peut-être dans quelques années sur l'électrification directe du procédé », détaille Maxime Girardin de France Stratégie. Mais encore faut-il le vouloir. Ces derniers temps, ArcelorMittal a pris prétexte de la chute du prix de l’acier pour geler tous ses projets de décarbonation.
Au-delà de son rôle dans le réchauffement climatique, l’industrie de l’acier est extrêmement polluante, pour les airs et les sols, notamment en amont, pour extraire le minerai de fer. Au Canada, ArcelorMittal vit d’écoper de quelques 200 chefs d’accusations pour avoir pollué des rivières. ArcelorMittal en France a aussi été mis en examen en mars dernier pour mise en danger de la vie d’autrui, sur son site près de Marseille, à Fos-sur-Mer, où le taux de cancer est deux à trois fois supérieur à la moyenne nationale.
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