Spéciale île de La Réunion avec « Maloya, l’esprit des femmes », un documentaire signé Anne-Laure Lemancel et Séverine Nativel. Et réédition du seul disque du groupe réunionnais Carousel (1982) raconté par Loy Ehrlich. (Rediffusion)
Notre 1er invité est Loy Ehrlich pour la réédition vinyle de l’unique album du groupe réunionnais Carrousel « La Vie est Un Mystère ».
Babani Records et Kréol Art rééditent l'album La Vie Est Un Mystère du groupe réunionnais Carrousel, sorti en 1982.
Dirigé par Loy Ehrlich, multi-instrumentiste, compositeur et producteur français, ce groupe était influencé à l'époque par les genres occidentaux contemporains tels que le blues, le reggae et le jazz, mais ajoutait sa propre touche tropicale en mélangeant des sonorités sega et maloya locales avec des paroles écrites en créole.
Initialement sorti en 1982, cet album a été suivi d'une série de concerts dans toute l'île avant que Carrousel ne cesse ses activités. Cependant, en raison de ce projet en avance sur son temps avec ses fusions uniques et ses compositions intemporelles, le groupe s'est fait une place dans le cœur des habitants locaux ainsi que des amateurs de musique du monde entier. Nous, chez Babani Records, en collaboration avec Kréol Art, sommes heureux de rééditer cet album unique de ce groupe emblématique pour votre plaisir auditif.
L'album a été restauré et remasterisé avec du matériel analogique par M.A. Spaventi, sous nos oreilles attentives et l'attention de Loy. Nous pensons avoir réussi à ramener à la vie le son unique que le groupe avait à l'époque, sans ajouter aucun autre artefact. Un projet visionnaire et une approche unique de la musique culturelle de l'océan Indien.
Nous avons également soigneusement restauré l'œuvre de Jean-Luc Igot avec l'aide de Guimero. Vous pourrez profiter d'une version vinyle accompagnée d'une affiche de 60x30 cm. Les disques sont pressés et expédiés depuis l'île de La Réunion à partir du 21 juin via notre page Bandcamp et chez notre partenaire exclusif en matière de disques, Vinyl Run. Ce premier lot de 250 pochettes a été soigneusement imprimé sur du papier d'art de 300 g/m² à Maurice. Nous nous préparons également pour une sortie numérique complète sur les plateformes de streaming et les boutiques en ligne, qui aura lieu le 20 octobre.
Montez à bord et profitez du voyage.
Biographie
CARROUSEL (1979-1983) Loy Ehrlich, multi-instrumentiste, a été invité à La Réunion en 1977 pour rejoindre les Caméléons. Ce groupe, composé de René Lacaille, Alain Peters, Bernard Brancard, Joël Gonthier et Hervé Imare, était chargé des enregistrements et des productions du studio Royal à Saint-Joseph, qui venait d'être créé à l'époque. En 1979, le groupe Caméléons cesse ses activités et, sous la motivation et la direction musicale de Loy, le groupe Carrousel voit le jour à l'Étang-Saint-Leu avec Alain Peters à la basse et au chant, Loy Ehrlich aux claviers et au chant, Bigoun à la batterie, Joël Gonthier aux percussions, Bruno Leflanchec à la trompette et Zoun à la flûte. En tant que nouveau venu sur la scène musicale de l'île de La Réunion, Carrousel se démarque des autres groupes de l'époque, encore sous l'influence des bals locaux, en proposant des concerts de musique originale estampillée "rock tropical", avec des instrumentaux et des compositions en créole posant les bases d'une fusion entre maloya, séga, rock, jazz et reggae. Pour se faire connaître, ils organisent une tournée de concerts gratuits à travers l'île et se produisent notamment en première partie du groupe Téléphone au Stade de l'Est en 1980. En 1981, le groupe se sépare de Zoun et Alain Peters. Une deuxième formation de Carrousel voit alors le jour avec Teddy Baptiste à la guitare, Kiki Mariapin à la basse, Jean Claude Viadere au chant et Tot au saxophone. La reconnaissance du public se fait peu à peu et en 1982, ils sortent leur premier et unique album "La vie est un mystère", suivi de nombreux concerts sur l'île. Un dernier concert au théâtre de Saint-Gilles marque la fin du groupe en 1983, avant que Loy ne retourne en France. En 1994, à l'occasion de la réédition de l'album en CD, le groupe Carrousel se reforme pour deux concerts exceptionnels avec Alain Peters en invité, dont le retour sur scène est un événement mémorable quelques mois seulement avant sa mort. Malgré une période d'activité relativement courte, Carrousel reste une référence encore aujourd'hui. Au fil des années, il est devenu un groupe culte à La Réunion et tous ses membres sont des artistes majeurs et reconnus qui ont contribué, à travers leurs nombreux projets, à façonner l'identité musicale de l'île.
Titres joués, extraits de l’album
- La Vie Est Un Mystère
- Taxi Brousse
- Na Voir Demain
- Ote Maloya écouter l’audio.
► Album La Vie Est Un Mystère (Babani Rd 2023).
Réseaux Sociaux
Puis nous recevons la journaliste et réalisatrice Anne-Laure Lemancel, coréalisatrice du documentaire « Maloya, L’esprit des femmes », diffusé sur les chaînes Outre-mer, de Réunion Première à Wallis et Futuna, et fin 2023 sur France 3 national.
Et si le maloya, la musique emblématique de La Réunion, se conjuguait au féminin ? Au gré des 4 portrais croisées, depuis leur île, es artistes Nathalie Natiembé, Christine Salem, Kaloune et Dilo (Eat My Butterfly), 4 héroïnes, 4 femmes charismatiques et libres, font bouger les lignes de la musique et celles de la société créole.
Longtemps, le maloya, musique signature de l’île, a été « réservé » aux hommes. Depuis une poignée d’années, les femmes trouvent leur place dans ce genre musical, aux contours militants et spirituels. Parmi elles, Nathalie Natiembé, Christine Salem, Kaloune et Dilo / Eat my Butterfly, ont su trouver leur place, et leur voix dans le monde grâce à cette musique héritée de leurs ancêtres. Des cités de Saint-Denis aux plus hautes distinctions de la République, avec une révolte toujours intacte (Christine Salem), d’une famille réunionnaise classique à l’émancipation joyeuse face aux diktats sociaux et aux injonctions de genre (Dilo), d’une vie tumultueuse sauvée par la poésie aux mots créoles forgés avec le cœur (Nathalie Natiembé), des kabars de l’est de l’île à la formation d’un art joyeux, électrique et protéiforme (Kaloune)… Chacune de ces quatre artistes a su s’émanciper grâce au maloya, chemin artistique et école de vie. Charismatiques et libres, à l’image de leur territoire, ces quatre héroïnes inspirantes viennent questionner/bousculer la place de la femme dans la musique et la société créole. Sur une trame maloya, elles font résonner les roulèrs (tambours), les chants, le kayamb, pour exprimer les revendications, la résistance et la fierté des femmes réunionnaises ! Et raconter leur île…
Par la porte d’entrée de la musique, les deux réalisatrices, Séverine Nativel et Anne-Laure Lemancel ont voulu interroger et raconter les statuts des femmes dans les sociétés créoles. Aujourd’hui encore, la femme réunionnaise continue de lutter contre les clichés passéistes, qui lui collent à la peau, évoquant sensualité, légèreté et douceur. À l’origine, sa place se construit – et se cantonne souvent – au cœur du foyer. Les années 1980 – avec la départementalisation, l'abandon officiel du statut de colonie, les luttes contre la misère, la scolarisation obligatoire, les mouvements sociaux, politiques et identitaires qui accompagnent ces mouvements – voient l’émergence d’une nouvelle organisation de la vie réunionnaise. Cette « modernité » s'infiltre partout dans le quotidien, jusque dans les rapports hommes-femmes. La société réunionnaise évolue. Le cliché de la femme inférieure à l'homme commence peu à peu à disparaître. Davantage autonome, elle prend désormais sa place dans tous les domaines. L’art et la musique ne font pas exception et des groupes portés par des femmes voient le jour, dès les années 1980. Si des chanteuses comme Benoîte Boulard ou Michou révélaient déjà leurs talents dans le séga, Françoise Guimbert, alias « Tantine Zaza », est la première à se lancer dans le maloya à l’orée des années 1980.
Un style longtemps interdit Quant au maloya, son histoire-même, explique en partie la « discrétion » des femmes en son sein, jusque dans les années 1990. Depuis sa naissance à l’époque de l’esclavage, il réunit dans un espace, cérémoniel et/ou festif, des femmes et des hommes. Si le cercle s’est toujours ouvert à toutes et tous, les rôles semblaient, au départ, bien définis : les gros instruments type roulèr pour les hommes et pour les femmes, les chœurs, le triangle ou le kayamb… Interdit jusque dans les années 1980, car considéré comme une « musique de nègre » ou de « sorcellerie », le maloya devient, dans les années 1970, une arme politique pour le combat de la reconnaissance linguistique et culturelle de l’île. Le pouvoir métropolitain dominant bannit ce mode d’expression revendicateur des ondes TV et radio. À l’époque, les « maloyèrs » sont, pour nombre d’entre eux, des militants communistes, qui n’hésitent pas à provoquer des bagarres et des affrontements avec les forces de l’ordre. Autant de combats politiques, dont les femmes restent en retrait. Dans les années 1980 l’interdiction du maloya est levée, notamment grâce à la mobilisation des grands ténors du genre, tels Danyèl Waro. Lui-même dira, dans Maloya l’esprit des femmes : « En même temps que le maloya redémarre, il y a une bataille, en son sein, pour que les femmes y prennent leur place ». Avec l’accalmie des années 1990, décennie de la fierté, de l’affirmation de l’identité réunionnaise et de la langue créole, des femmes apparaissent ainsi à la tête de groupes de maloya. Elles enjambent le roulèr et portent leur voix sur le devant de la scène. L’un des exemples reste le groupe 100% féminin Simangavole, créé au mitan des années 1990 qui a popularisé le « maloya manièr fanm ». L’accélération du changement et l’ouverture de la société vers l’extérieur avec les études supérieures, les voyages, les contextes de changement de société participent à l’émancipation de ces groupes et de ces chanteuses : Nathalie Natiembé, Christine Salem, Maya Kamaty, EMB, Kaloune, Ann’ O’aro…
Titres joués
- Tangaz Pa Tro For, Nathalie Natiembé
- Oh Africa, Christine Salem, Alex Barck (Osunlade Remix)
- Déor, Eat My Butterfly (Dilo)
- Funkyman Dombolo, Kaloune.
► Teaser film. Maloya l’Esprit des Femmes.