Dans sa réfutation de la fausse connaissance, Irénée ne construit pas d’argumentaire philosophique. Il ne cherche pas à démontrer la vérité de la foi chrétienne sur la base des ressources intellectuelles de son époque, comme le font d’autres auteurs apologétiques de son temps.
Un argumentaire philosophique aurait été inutile car la gnose n’est pas un mouvement philosophique, mais une aspiration religieuse dévoyée. Irénée va s’appuyer essentiellement sur la Tradition de l’Eglise, reçue des Apôtres et transmise par les évêques, pour donner un commentaire orthodoxe à l’Evangile et pour démontrer que les systèmes gnostiques ne reposent sur aucune autorité apostolique.
Il n’y a que 4 évangiles
Contrairement aux sectes gnostiques qui ont publié un grand nombre de textes sous le nom d’évangiles, Irénée insiste sur la fiabilité des seuls 4 évangiles (par la suite appelés canoniques, notion inconnue à l’époque). Ils proviennent des apôtres, eux-mêmes remplis du Saint Esprit :
"Les apôtres ont d'abord prêché l’évangile ; ensuite, par la volonté de Dieu, ils nous l'ont transmis par écrit, pour qu'il soit le fondement et la colonne de notre foi. Car il n'est pas permis de dire qu'ils ont prêché avant d'avoir reçu la connaissance parfaite, comme osent le prétendre certains, qui se targuent d'être les correcteurs des apôtres. En effet, après que notre Seigneur fut ressuscité d'entre les morts et que les apôtres eurent été, par la venue de l'Esprit Saint, revêtus de la force d'en haut, ils furent remplis de certitude au sujet de tout et ils possédèrent la connaissance parfaite. (AH, III,1,1)"
Et ensuite il fait référence à l’origine exacte des évangiles :
"Matthieu publia chez les Hébreux, dans leur propre langue, une forme écrite d’Évangile, tandis que Pierre et Paul évangélisaient Rome et y fondaient l’Eglise. Après l’exode de ces derniers, Marc, le disciple et l’interprète de Pierre, nous transmit lui aussi par écrit ce que prêchait Pierre. De son côté, Luc, le compagnon de Paul, consigna en un livre l’Evangile que prêchait celui-ci. Puis Jean, le disciple du Seigneur, celui-là même qui avait reposé sur sa poitrine, publia lui aussi l’Evangile, tandis qu’il séjournait à Éphèse, en Mie." (AH, III,1,1)
Son témoignage s’appuie sur sa proximité avec le terreau apostolique : il a connu Polycarpe, lui-même disciple de l’apôtre Jean Il cite fréquemment des passages des 4 évangiles, ainsi que presque tous les livres du Nouveau Testament.