Au Sénégal, trois jours après avoir annoncé qu’il renonçait à briguer un nouveau mandat de président, Macky Sall déroule ce jeudi 6 juillet le tapis rouge aux investisseurs étrangers pour le premier forum international « Invest in Senegal ». Cette manifestation arrive à point nommé pour faire le bilan de son action économique.
Ce forum était prévu de longue date, c'est un nouveau jalon sur le chemin tracé par le président Macky Sall vers l'émergence de son pays. Après son arrivée au pouvoir, il fixe son cap : faire du Sénégal une économie à revenu intermédiaire en 2035.
La première étape du plan « Sénégal Émergent » aura duré dix ans. Elle a consisté à doter le pays des infrastructures qui manquaient, pour faire de Dakar une capitale capable de rivaliser avec les autres grandes métropoles africaines. La construction de l’aéroport, de la ville nouvelle de Diamniadio où se déroule le forum, des chemins de fer, des autoroutes, des ports sont les grands chantiers à l'actif du président. Tout comme l'amélioration de la couverture en électricité.
Le plan a été appliqué à la lettre mais il reste à réaliser le même effort dans les campagnes, souligne Dominique Fruchter de la Coface. Et à mieux partager le fruit de ces efforts, ajoutent la plupart des observateurs. Arthur Minsat de l’OCDE retient plutôt la performance et souligne que l’économie sénégalaise est aujourd'hui « plus diversifiée, plus dynamique, la productivité a augmenté et le secteur de l’agroalimentaire en plein essor parvient à exporter, notamment chez les pays voisins ».
Car le Sénégal joue la carte continentale en privilégiant les chaînes de valeur intrarégionale. Autre bémol : la demande interne n'est pas encore couverte par l'essor de l'agroalimentaire et l'informel est encore largement dominant, privant l'État de ressources fiscales non négligeables.
Les investissements étrangers réalisés au Sénégal ont bondi depuis cinq ans. Le stock est passé de 438 millions de dollars en 2018 à plus de 2,2 milliards en 2021. Mais le Covid puis la guerre en Ukraine ont refroidi leurs ardeurs. Les investisseurs refluent du Sénégal comme des autres pays africains pour privilégier les projets de relocalisation en cours en Occident.
Ceux qui restent seront donc encore plus vigilants sur l'environnement, notamment politique. Si la situation politique dégénère, s'en sera fini du sursaut économique, avertissent les agences de notation. Arthur Minsat est plus tempéré : « Le système démocratique fonctionne. Comme au Ghana, poursuit-il, cet environnement politiquement stable a été déterminant pour convaincre les investisseurs, et Macky Sall a été le garant qui a pu les rassurer. En particulier pour développer les hydrocarbures ».
La production du gaz va démarrer avant la fin de l'année et va mettre un turbo dans l'économie. La croissance pourrait doubler par rapport à l'an dernier et atteindre 8 % en 2023, et même 10 % en 2024. Cette manne de l'or noir va vraiment faire décoller le Sénégal. À condition bien sûr que les revenus soient gérés rigoureusement.
L'afflux des revenus gaziers peut tuer le reste de l'activité, c'est le fameux syndrome hollandais. « Éviter cet écueil sera sans doute la problématique essentielle de la prochaine administration du Sénégal », estime Arthur Mingat. Dominique Fruchter, de la Coface, remarque que le gouvernement actuel a pris grand soin d’encadrer l'emploi de ces revenus. Les dividendes des hydrocarbures sont réservés à l'investissement et au fonds intergénérationnel. Pas question qu'ils servent à colmater le déficit public.