En France, le projet de loi « Industrie verte » arrive devant le Sénat ce mardi après-midi, avant d'être étudié le mois prochain à l'Assemblée nationale. Le gouvernement veut faire de la réindustrialisation et en particulier de l' « industrie verte » « une priorité absolue du deuxième quinquennat ». Mais que contient ce projet de loi ?
Ce projet de loi vise à donner un coup de pouce à la fois à la décarbonation de l'industrie existante et à la création d'une nouvelle industrie. Paris mise sur cinq technologies : les pompes à chaleur, les éoliennes, les panneaux solaires, les batteries électriques et l'hydrogène vert.
Pour cela, le texte actionne plusieurs leviers : une réduction des délais des autorisations en vue d'installer une nouvelle usine, un plan d'épargne vert pour soutenir l'investissement, ou encore l’aménagement par l'Etat de 50 sites clés en mains.
Car, le nerf de la guerre, c'est le foncier. C'est d'ailleurs l'un des points chauds au Sénat. Le gouvernement veut laisser l'Etat délivrer lui-même les autorisations pour implanter des projets « d'intérêt national majeur ». Ce n'est évidemment pas du goût des collectivités locales. En fin de compte, les maires devraient donc être systématiquement consultés.
Autre question délicate :celle de l'artificialisation des sols. En commission, les sénateurs ont proposé que les projets d'industries vertes dérogent à l'objectif de Zéro artificialisation nette des sols. Mais une proposition de loi, votée en première lecture mi-mars au Sénat, pour faciliter la mise en œuvre du « zéro artificialisation nette », est examinée cette semaine par l'Assemblée nationale. Le gouvernement souhaite que ce soit au sein de ce texte que soient déterminées les modalités dérogatoires de la prise en compte du ZAN.
Alors ce texte est-il à la hauteur ?
Tout le monde ne voit pas la « véritable révolution idéologique » annoncée par Bruno Le Maire. La commission des Affaires économiques du Sénat juge le texte consensuel mais « très en-deçà des objectifs affichés ». Pas de mesures « transformationnelles » non plus aux yeux de Nicolas Berghmans. Expert Energie Climat de l’Institut du développement durable des relations internationales (IDDRI), il regrette qu’une grande partie des mesures visant à accélérer l’installation de nouveaux sites « s’appliquerait à l'ensemble des nouvelles installations industrielles et non uniquement aux industries réputées nécessaires pour atteindre la neutralité climatique ».
Peut-il permettre à la France de rivaliser dans la course internationale ?
Plusieurs spécialistes mettent en garde contre une cacophonie européenne ou peut-être au contraire contre une monotonie européenne. Ils encouragent les États de l'UE à se spécialiser dans quelques secteurs. « Il y a un vrai besoin de coordination européenne, explique Xavier Timbeau, directeur principal de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE). Tous les pays membres ne peuvent pas couvrir tous les secteurs mais l’Europe pourrait avoir un panier industriel quasi complet. » Au contraire, le risque d’une concurrence intra-européenne, c'est que les acteurs européens soient affaiblis et ne soient plus en mesure de contrer la vigueur de la concurrence américaine et chinoise.
Concurrence qui jouit d'un certain nombre d'avantages
Au rang de ces avantages : l'énergie moins chère aux États-Unis qu'en Europe et bien sûr les aides colossales de l'Inflation reduction act de Joe Biden.
Or, les Etats-Unis et l'Union européenne ont des stratégies divergentes. Le Vieux continent a, il y a longtemps, opté pour « le bâton » celui du marché carbone.Les entreprises soumises aux quotas sont incitées à réduire leurs émissions pour ne pas avoir à mettre la main au porte-monnaie et avec la fin progressive des quotas gratuits pour l'industrie - entre 2026 et 2034 -, les usines vont commencer à payer le prix fort. Bâton brandit également en direction des entreprises étrangères avec l’instauration d’une « taxe carbone aux frontières ».
De son côté, Washington préfère appâter les investisseurs avec des subventions.
Des subventions, il y en a également de ce côté de l'Atlantique mais pas de manière très coordonnée. Thomas Pellerin-Carlin directeur du programme Europe de l’'institut de l'économie pour le climat I4CE résume ainsi la situation : « on ne voit pas de carotte européenne comme ce que propose l'IRA, mais des carottes nationales de tailles très variées » et cela « risque de créer des disparités très fortes entre les pays ». Parmi ceux qui frappent fort : l’Allemagne avec un plan pour la décarbonation de l'industrie estimé à 50 milliards d'euros.
Cela dit un plan commun est en train d'émerger. La Commission européenne a présenté son Net-Zero Industry Act en mars. Il prévoit des simplifications de procédure, de la formation, l'ajout de critères environnementaux dans les appels d'offres publics et des soutiens à l'investissement.
Alors comment financer le verdissement de l'industrie ? La question fait débat en France
Bruno Le Maire ne veut recourir ni à une hausse des impôts ni à la dette publique, deux solutions préconisées par Jean Pisani-Ferry dans un rapport commandé par Matignon. « La question c'est de savoir, assure l’économiste, si l'Europe peut être à la fois championne du climat, de la discipline budgétaire et championne du multilatéralisme », et de noter quela discipline budgétaire n'est pas au rang des priorités pour les Américains ni pour les Chinois.