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Oct 6
7m 46s

Garde nationale déployée aux États-Unis:...

Rfi
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Donald Trump envoie des membres de la Garde nationale californienne à Portland, malgré deux décisions d'une juge fédérale. Le président américain justifie le déploiement de l'armée dans des villes exclusivement gouvernées par des démocrates par une criminalité prétendument galopante. Plusieurs manifestations et actions contre la police de l'immigration ont eu lieu dernièrement, notamment dans les villes dites « sanctuaires », où les migrants en situation irrégulière et menacés d’expulsions sont protégés. Entretien avec Lauric Henneton, maître de conférences à l'Université de Versailles - Saint-Quentin-en-Yvelines, auteur de : Le rêve américain à l'épreuve de Donald Trump aux éditions Vendémiaire.

RFI : Donald Trump poursuit sa charge contre les villes démocrates, contre plusieurs grandes villes qu'il présente comme des zones de guerre et où il décide d'envoyer la Garde nationale, officiellement pour protéger les agents de ICE, la police de l'immigration. Là, on parle de villes dans lesquelles les raids de cette police sont critiqués lors de manifestations régulières. Pourquoi ces villes-là, en l'occurrence Portland et Chicago ces jours-ci ?

Lauric Henneton : Ce sont des villes qui sont symboliquement marquées à gauche, dans l'imaginaire trumpiste en fait. Et donc ce sont des cibles assez évidentes depuis les manifestations à l'époque de George Floyd en 2020. Et c'est vrai que Portland avait été une espèce de laboratoire de gestion très à gauche, très libertaire, on va dire, des forces de police. Et donc cela avait été une espèce de contre-exemple absolu de ce que pouvait donner une gestion démocrate ou très démocrate d'une ville.

Dans l'imaginaire républicain, via Fox News en particulier, et d'autres médias de ce genre-là, c'était devenu une espèce de caricature de la ville démocrate à feu et à sang, avec un certain nombre d'émeutes qui avaient été particulièrement violentes et prolongées à une époque, mais qui ont complètement disparu. Et donc il y a une distance absolument phénoménale entre la rhétorique trumpienne à laquelle vous venez de faire allusion et les images qui ont été envoyées sur les réseaux sociaux par des tas de gens de Portland ce week-end où la ville n’est absolument pas à feu et à sang. Les gens se filment ou se prennent en photo en train de boire des cafés en terrasse...

Est-ce que le risque dans ce cas-là n'est pas en fait de susciter de la violence ? Vous avez mentionné George Floyd, cet homme mort lors d'une intervention de police après avoir répété qu'il ne pouvait plus respirer. Cela avait entraîné des manifestations énormes, et notamment dans certaines villes, de vrais mouvements critiques contre la police elle-même. Que peut-il y avoir comme conséquences concrètes aujourd'hui du fait que Donald Trump envoie la Garde nationale sur place ?

C'est une question que l'on s'est posée quand il a commencé à déployer de la Garde nationale à Los Angeles, au printemps dernier, à la fin du printemps dernier. Un des risques, c'était de susciter de la crise là où il n'y en avait pas initialement. En gros, en initiant des sortes de contre-manifestations qui, une chose en entraînant une autre, pouvait dégénérer. Et donc là, on peut craindre ce genre de choses, mais on peut aussi espérer que ça ne soit pas le cas, parce qu'il n'y a pas de situation insurrectionnelle. Et c'est ça qui justifie ou pas, l'envoi de la Garde nationale et l'envoi de troupes en supplément de la Garde nationale.

Il faut penser aux émeutes de Détroit en 1967, où les pouvoirs locaux n'y arrivent plus et demandent des renforts. C'est cette logique-là qu'il faut voir. Et donc il y a une juge de l'Oregon nommé par Trump, donc pas exactement une juge gauchiste qui a considéré que l'ordre de Trump était illégal à Portland parce qu'il n'y a pas les conditions, donc il n'y a pas les conditions insurrectionnelles pour dire les choses rapidement, pour justifier l'envoi de troupes et de la Garde nationale.

Dans ces conditions-là, qu'est-ce qu'elles font ces troupes quand elles sont sur place ?

Eh bien pas grand-chose en réalité. C'est ce qu'on a vu à Los Angeles, On sait ce qu'on a vu également à Washington. Il y avait un article du New York Times qui présentait en fait les gens qui étaient déployés là-bas comme étant en renfort des services parcs et jardins. Donc, ils ne font pas grand-chose parce qu'il n'y a pas grand-chose à faire, il n'y a pas d'ordre à rétablir parce que le peu de désordre qu'il peut y avoir, le peu de manifestations qu'il peut y avoir, c'est tout à fait gérable par la police locale. Il n'y a donc pas vraiment besoin de déployer l'armée.

L’idée principale, c'est de protéger les bâtiments fédéraux. Il y a deux couches, il y a la couche locale et la couche fédérale, il y a des bâtiments fédéraux. Admettons qu'il y ait du grabuge devant un bâtiment fédéral, on peut faire protéger le bâtiment fédéral par des troupes fédérales si les troupes locales sont débordées. Donc, on peut imaginer que des membres de la Garde nationale soient en faction devant des bâtiments fédéraux pour en assurer la protection s'il n'y a pas de protection à assurer, ils sont là, ils ne gênent personne et il ne se passe rien en réalité. Mais ce qui est particulièrement gênant, c'est de voir ce hiatus entre la réalité réelle d'une certaine manière, et la réalité présentée par Trump dans ses discours, ses prises de parole médiatiques et ses relais à la fois dans le gouvernement et dans les médias, sur cette espèce de fantasme de la ville démocrate à feu et à sang. Ce qui n'est pas le cas.

Et dans quel but ? Est-ce qu'il a par exemple pour objectif de fédéraliser la sécurité publique ?

Ce n'est pas possible, On ne peut pas la fédéraliser dans l'union. En fait, ça n'existe pas parce qu'il faut fédéraliser État par État. Il y a certains États qui sont tout à fait tout à fait disposés à mettre à disposition leur garde nationale, le Texas par exemple, d'autres non. Et par exemple, les États démocrates s'y opposent, mais ne peuvent pas forcément le faire, disons activement. Ce sont les juges qui décident si c'est si c'est légal ou pas. En Californie, cela a été considéré comme illégal. Donc après, il y a des appels et ça va finir par arriver à la Cour suprême qui commence sa nouvelle session aujourd'hui même.

Il va donc y avoir un certain nombre de ces décisions dans différents États qui vont être arbitrées par la Cour suprême. Mais pour l'instant, on est à différents niveaux de contestation juridique, au niveau local, au niveau des États et puis maintenant au niveau de la Cour suprême, pour savoir si, en réalité, en principe et surtout dans certains cas, parce que, en fait, les juges se prononcent sur des cas.  

Sur des cas particuliers, il faut avoir recours ou non à cette Garde nationale. Ce qui est sûr, c'est que cela instaure quand même un climat assez particulier. Est-ce que cela fait partie des objectifs de Donald Trump selon vous ?

De toute façon, le style de Donald Trump, c'est d'hystériser la vie politique depuis qu'il est entré en campagne en 2015.

En faisant peur ?

En faisant peur oui. Il mobilise deux émotions, pas spécialement en faisant peur, mais en suscitant la colère et la colère de sa base. Parce que là, en fait, on sait en science politique que la peur pousse plutôt à se poser des questions et pas à se retrancher, alors que la colère est vraiment l'émotion qui pousse à se retrancher dans ses positions et à renforcer la loyauté partisane. Et donc Trump n'a jamais été de ceux qui vont tendre la main. En gros, une espèce de centre indécis pour gagner davantage de voix, même si c'est ce qui lui a fait gagner l'élection de 2024 sur des questions économiques.

En revanche, il fait toujours tout depuis le premier mandat, on a pas mal de recul maintenant pour toujours remobiliser sa base, ce qui va également lui permettre, à cette base, d'oublier un petit peu les déceptions économiques.

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