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Oct 6
7m 19s

Mathias Hounkpe sur la Gen Z en Afrique:...

Rfi
About this episode

« Nous voulons des hôpitaux, pas seulement des stades de foot », scandent les milliers de jeunes manifestants au Maroc. « On veut vivre, pas survivre », clament ceux de Madagascar. Depuis dix jours, les autorités de ces deux pays sont prises de court par l'ampleur du mouvement Génération Z, qui s'inspire des révolutions survenues au Bangladesh et au Népal. Quels sont les ressorts de ce mouvement de jeunes sans affiliation politique ? Pourquoi les autorités ont-elles tant de mal, jusqu'à présent, à reprendre le contrôle de la situation ? Le politologue béninois Mathias Hounkpè est l'un des responsables de l'EISA, l'Institut électoral pour la démocratie durable en Afrique. Il livre son analyse au micro de Christophe Boisbouvier.

RFI : Mathias Hounkpè, pourquoi cette génération Z est elle aussi mobilisée dans les rues de Madagascar et du Maroc ? 

Mathias Hounkpè : Je pense qu'il s'agit d'un phénomène qui est un peu plus général. Si vous prenez cette génération, elle fait partie de la population qui souffre des difficultés que rencontrent les pays africains depuis quelque temps. Lorsque vous parlez du chômage, lorsque vous parlez de l'insuffisance de fourniture des services sociaux de base, je parle de santé, électricité, éducation, eau, etc. Lorsque vous parlez même de la frustration vis à vis du fonctionnement de la démocratie et de ce sentiment qu'ils ont que la démocratie ne produit pas des résultats. Cette génération est pratiquement celle qui souffre en majorité.

Et est-ce que la lutte contre la corruption n'est pas finalement la revendication la plus forte de cette génération Z ?

Voilà, je pense qu'il y a simplement la bonne gouvernance. Si vous écoutez les sondages auprès de ces jeunes à travers l'Afrique, ils veulent que les pays soient bien gérés. Et donc la lutte contre la corruption est un phénomène. Ils veulent que la démocratie produise des résultats. Ils veulent que le pays ne soit pas géré sur la base du népotisme et du clientélisme. Donc, je pense que nos dirigeants, nos gouvernants doivent éviter, devant ce genre de manifestations, de faire des concessions, je dirais du bout des lèvres. Dans le genre on dissout un gouvernement. Parce que ce que veulent ces jeunes, ce n'est pas qu'on change ceux qui gouvernent nécessairement, mais c'est qu'on gère mieux.

Est-ce qu'il n'y a pas dans Génération Z un vaste mouvement contre les élites, qu'elles soient dans la majorité comme dans l'opposition d'ailleurs ?

Voilà, Ils sont en fait frustrés par la manière dont la démocratie fonctionne. Par conséquent, tous ceux qui sont associés et que vous soyez simplement dans l'élite, que vous soyez acteurs politiques, ils n'arrivent plus aujourd'hui à faire la différence entre opposition et mouvance. Et de ce point de vue, je suis d'accord avec vous. Et donc, je pense que ce dont nous avons besoin aujourd'hui, c'est de trouver des mécanismes pour pouvoir échanger avec ces jeunes. Parce que l'une des difficultés, pas seulement au niveau des gouvernants, mais des acteurs de la société civile, c’est qu’ils ne savent pas comment discuter avec ces jeunes. Mais ces jeunes, ils ne sont plus tellement dans les mouvements hiérarchiques comme vous les voyez. Ils ne sont pas proches des partis politiques, ils ne sont pas dans les associations de la société civile traditionnelle, ils ne sont pas liés aux acteurs politiques. Donc, ce sont des jeunes qui sont comme dans une sorte d'espace où ils cherchent de l'horizontalité. Ils sont impatients.

Ils sont impatients, vous dites. Est-ce que ce n'est pas aussi une révolte des jeunes contre leurs aînés dans des sociétés patriarcales où les anciens sont traditionnellement ceux qui savent et ceux qui décident ?

Il y a un peu de ça, je dois l'avouer, il y a un peu de ça. En fait, ils ne sont plus dans les anciens paradigmes comme vous dites, où vous avez ceux qui peuvent décider au nom de tout le monde. On doit changer complètement de manière d'interagir avec ces jeunes si on veut les comprendre, et on veut qu'ils se sentent pris en compte dans les décisions et les politiques qui sont mises en œuvre.

À Madagascar, le président Rajoelina affirme que beaucoup de jeunes de Génération Z sont manipulés par des pays et des agences qui veulent prendre le pouvoir, comme dans d'autres pays africains. Qu'est-ce que ça vous inspire ?

Malheureusement, j'ai le sentiment que nos leaders politiques, lorsqu'ils sont en face de jeunes qui manifestent de cette manière, préfèrent privilégier ce genre d'arguments parce que ça augmente leurs marges de manœuvre en termes de répression. Je crois que ces jeunes soulèvent des questions qui sont fondées. Moi, à la place du gouvernement, l'effort que je ferais pour commencer, c'est de voir d'abord quel est le fond de vérité qu'il y a dans les revendications de ces jeunes. Il vaut mieux pour nos leaders politiques d'éviter de vouloir réduire les manifestations des jeunes à de l'influence, comme s'ils étaient des gens manipulables, qui n'étaient pas capables d'apprécier le contexte dans lequel ils sont.

L'une des caractéristiques de ces mouvements Génération Z, c'est qu'ils n'ont pas de leaders. Ils n'ont pas de structure politique visible. C'est une force ou c'est une faiblesse ?

Disons que c'est à la fois une force et une faiblesse. Parce que, comme vous le savez, lorsque vous avez des leaders qui sont connus, c'est relativement plus facile pour les gouvernants de vous maîtriser. Donc ces mouvements justement, qui n'ont pas de leaders, c'est comme si c'était un avantage. Ça rend un peu plus difficile la capacité pour les gouvernants à les maîtriser. Mais dans le même temps, il y a des faiblesses qui accompagnent cela. Quand vous n'avez pas de leaders, c'est difficile d'avoir une stratégie, c'est difficile de garantir, je vais dire, la durabilité. Comme vous voyez ces mouvements, en règle générale, ça ne dure pas parce que vous n'avez pas quelqu'un qui peut élaborer une stratégie, quelqu'un qui peut avoir des objectifs. Même quand le gouvernement dit, par exemple, qu'il va discuter avec ces jeunes, c'est très difficile de savoir avec qui vous discutez et quelles peuvent être les conséquences des décisions que vous aurez prises. Je pense qu'on a besoin de réfléchir et d'innover dans la capacité d'engager ces jeunes, parce qu'ils sont dans un espace où c'est plus horizontal que vertical.

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