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Sep 15
8m 25s

Drogue: «L’Afrique de l’Ouest est devenu...

Rfi
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Journée spéciale sur le commerce mondial de la drogue aujourd'hui sur RFI. Focus tout de suite sur l'Afrique avec Flore Berger, de L'Initiative mondiale contre la criminalité transnationale organisée. Elle est spécialiste du trafic de drogue en Afrique. Elle nous explique pourquoi les narcotrafiquants n'aiment pas les coups d'État. Et elle nous révèle quel rôle jouent ces trafiquants dans certaines libérations d'otages au Sahel. Elle répond aux questions de Christophe Boisbouvier.

RFI : Pourquoi l'Afrique de l'Ouest est-elle devenue une plaque tournante pour la cocaïne entre l'Amérique latine et l'Europe ?

Flore Berger : Oui, alors géographiquement c'est intéressant pour lier les deux zones. Mais aussi il y a des vulnérabilités importantes qui font que c'est devenu un centre logistique. Donc il y a moins de surveillance dans les territoires, un manque de ressources dans les ports principaux d'Afrique de l'Ouest, évidemment, des niveaux de corruption élevés. Donc, tout ça explique le fait que l'Afrique de l'Ouest soit devenue un centre névralgique pour le trafic mondial.

Est-ce que les réseaux jihadistes d'Afrique de l'Ouest et du Sahel sont impliqués dans ce trafic ou dans celui d'autres drogues ?

Alors pas spécialement. Déjà, il faut dire que la plupart des flux de cocaïne arrivent en Afrique de l'Ouest par les voies maritimes et repartent vers l'Europe par les voies maritimes. Mais il y a une partie qui est déchargée et qui prend la route, qui traverse notamment le Mali et le Niger en particulier, la Libye aussi. Et donc c'est sur ces routes de trafic qu'on a aussi la présence de réseaux jihadistes. Donc ce ne sont pas les acteurs principaux du trafic, ce ne sont pas ceux qui organisent ou ce ne sont pas les logisticiens, les intermédiaires… Mais comme ils ont une forte présence dans ces zones de transit, le long des routes, on sait qu'ils taxent la marchandise et taxent les trafiquants pour que ceux-ci puissent utiliser les routes qu'ils contrôlent. Donc on sait que les groupes jihadistes font ça pour tout type de biens licites et illicites. Donc les commerçants de carburant, les compagnies de transport, les éleveurs avec leurs animaux. Donc tout le monde qui veut utiliser leur territoire doit les payer. Donc, ce n'est pas spécifique au trafic de drogue.

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Est-ce que le trafic de drogue en Afrique est plus important dans les pays instables et en guerre civile ?

Pas forcément. Et on voit qu'il y a certains trafics, comme on vient de parler du vol de bétail, qui sont renforcés, qui augmentent lors de périodes d'intense violence ou d'instabilité. C'est aussi le cas du trafic d'armes ou de carburant, par exemple, qui sont des ressources clés pour les groupes armés. Mais pour la cocaïne, c'est différent dans le sens où ce trafic prospère plutôt dans des zones où il y a un équilibre assez délicat, c'est-à-dire que trop d'instabilité va compliquer les flux et désorganiser les réseaux. C'est quelque chose qu'on a vu après, par exemple, le coup d'État au Niger en juillet 2023. Il y avait des réseaux de protection établis entre les autorités et les trafiquants. Et donc ces réseaux ont été éclatés du jour au lendemain. Aussi avec les périodes de grands conflits comme on a vu au nord du Mali dans la deuxième partie de 2023. Toutes ces périodes d'instabilité ne sont pas très bonnes pour le business, parce que les réseaux doivent soit trouver de nouveaux itinéraires, soit de nouveaux intermédiaires, recréer des relations de protection, et donc trop d'instabilité n'est pas forcément bon pour ce trafic-là.

C'est-à-dire que les trafiquants de drogue du Niger ont été déstabilisés par le putsch de juillet 2023 ?

Oui, oui. Donc, on a vu une diminution du trafic au Niger après le coup d'État, notamment de certains intermédiaires clés qui étaient impliqués dans le trafic de drogue depuis longtemps. Donc, avec la protection des autorités, il y a même des trafiquants, par exemple un en particulier qui s'est reconverti, on va dire, dans l'orpaillage, le trafic de l'or, parce que voilà, les protections au niveau de l'État pour le trafic de cocaïne n'étaient plus en place.

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Quelle est la répression la plus efficace ?

Pour la répression, donc, on sait spécifiquement pour le trafic de cocaïne qu'il y a vraiment des intermédiaires clés qui souvent sont connus de tous, qui opèrent depuis des décennies, par exemple au Mali ou au Niger, et puis des réseaux étrangers qui viennent des Balkans, qui s'implantent en Afrique de l'Ouest. Et donc eux sont vraiment les acteurs clés de cet écosystème et ils sont difficiles à remplacer parce que ce sont eux qui ont les connexions, ce sont eux qui ont les relations haut placées, ce sont eux qui sont au cœur de la logistique et des opérations. Et donc si on focalise la répression sur eux, donc il y aura clairement un impact sur ce marché illicite, au moins dans le moyen terme, jusqu'à ce que d'autres prennent leur place.

Vous parlez des chefs de réseau, notamment de ces réseaux balkaniques qui viennent de Bosnie, d'Albanie, du Monténégro. C'est ça ?

Voilà. Et qui ont évidemment des interlocuteurs, par exemple au Mali, au Niger ou les pays côtiers.

Et est-ce qu'il y a déjà eu des arrestations du côté de ces chefs de réseaux ou pas ?

Alors c'est un peu ça le souci principal, c'est que ce sont souvent eux qui ont établi des liens de protection avec l'accord des autorités. Par exemple, au Mali, ce sont des personnalités qui sont bien connues des services de renseignement et qui sont même parfois utilisés par les autorités, par exemple, quand il y a des otages et qu'il faut se lier ou faire des négociations entre groupes armés et autorités. Donc ce sont ces mêmes personnes-là qui sont appelées, du fait de leurs capacités à parler et aux groupes armés sur le terrain et aux autorités. Et donc c'est assez rare que des poursuites à leur encontre voient le jour.

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