logo
episode-header-image
Sep 9
9m 31s

Grand Barrage en Éthiopie: «L'absence de...

Rfi
About this episode

Avec près de 2 kilomètres de longueur et 150 mètres de hauteur, le Grand Barrage de la Renaissance éthiopienne va dompter les eaux du Nil Bleu et va devenir aujourd'hui, jour de son inauguration par le Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed, la plus grande installation hydroélectrique du continent africain. Mais l'Égypte affirme que cet ouvrage est, pour elle, une « menace existentielle ». Les explications de Sonia Le Gouriellec, qui est maîtresse de conférence en science politique à l'Université catholique de Lille, en France. 

RFI : Qu'est ce qui va changer avec ce barrage dans la vie quotidienne des Éthiopiens ?

Sonia Le Gouriellec : Je pense qu'il y a un gain énergétique important pour les Éthiopiens parce qu’ils pourront ainsi à la fois avoir de l'électricité dans leur pays et en exporter dans le reste de la région.

D'autant que je crois que près de la moitié des Éthiopiens n'ont pas accès à l'électricité aujourd'hui.

Tout à fait. Et puis on est dans un pays avec une démographie très forte, 130 millions d'habitants. Donc, il y a un véritable enjeu, effectivement, de fournir de l'électricité et puis aussi d'atteindre les ambitions économiques du pays, puisqu'il y a de nombreuses zones économiques spéciales qui ont été ouvertes et dont le but est de pouvoir fournir de l'électricité à tout le monde.

Alors, l'Égypte est très hostile à ce barrage. Elle affirme qu'il représente une menace existentielle. Est-ce que ces craintes sont fondées ?

Alors effectivement, depuis le début, l'Egypte est opposée à la construction de ce barrage. A tel point qu'on a parlé à une époque de bombardements du barrage. Et la crainte aujourd'hui, je dirais, c'est plutôt politiquement une déstabilisation de la région par l'Egypte. L'existence du barrage, ce n'est pas ça qui est véritablement contesté, puisque le barrage, il va être inauguré ce mardi. Donc il est construit, il est fait. C'est une grande réalisation. Ce qui est aujourd'hui véritablement en débat, c'est l'absence de règles claires et contraignantes de sa gestion en période de stress hydrique. L’Egypte a toujours eu une position très constante sur cette question. Toutes les exploitations possibles en amont devraient avoir un accord écrit juridiquement contraignant, avec des règles claires d'opérations, de comment on va gérer au fur et à mesure ces eaux, notamment en période de sécheresse. Et ça, pour l'instant, c'est absent. Donc, bien que Abiy Ahmed, le Premier ministre éthiopien, ait invité le Soudan et l'Egypte à venir à l'inauguration, pour eux, ça, c'est de la diplomatie, c'est des accords à l'oral, mais il n'y a rien de véritablement fixé. Et ça, ça les ennuie beaucoup. Et ce qu'on craint, c'est que le conflit puisse s'exporter sur d'autres terrains, par exemple en Somalie.

Donc, la grande crainte de l'Égypte et du Soudan, c'est qu'en cas de sécheresse, les Éthiopiens ne libèrent pas le volume d'eau nécessaire qui est stocké par ce barrage pour lutter contre cette sécheresse. C'est ça ?

Exactement. Et qu'on ne s'en tienne qu'à des paroles alors qu'il faudrait quelque chose d'écrit. Or, pour l'instant, vous n'avez aucun document. Il y a une absence de règles claires, contraignantes sur la gestion des eaux du Nil.

En juin 2013, le président égyptien de l'époque, l'islamiste Mohamed Morsi, a déclaré publiquement que, contre ce barrage, aucune option n'était exclue. Est-ce que son successeur, son tombeur, le maréchal al-Sissi, pourrait ordonner le bombardement du barrage ?

Alors je ne sais pas ce qui relève effectivement du discours politique d'annonce pour effrayer et de ce qui est techniquement possible. Il me semble que, déjà à l'époque de Morsi, ce n'était pas techniquement possible d'imaginer un bombardement. En revanche, ce qui est tout à fait possible et ce qui est en train d'être fait, c'est une façon de déstabiliser un peu plus l'Éthiopie. Et c'est quelque chose qu'on voit par exemple en Somalie en ce moment. L’Egypte a renforcé sa coopération militaire avec la Somalie, en proposant d'ailleurs de remplacer les troupes éthiopiennes par des troupes égyptiennes. Le conflit s'exporte sur ce territoire, comme ça a souvent été le cas.

Et l'envoi de 3000 soldats égyptiens à la frontière du Somaliland qui s'est rapproché de l'Éthiopie, c'est peut-être une pression militaire de l'Égypte sur l'Éthiopie, c'est ça ?

Tout à fait. Pression militaire sur l'Éthiopie, pression militaire aussi avec l'Érythrée puisqu'on voit qu'il y a un soutien assez explicite de l'Érythrée. Vous avez eu beaucoup de visites d'Egyptiens en Érythrée, vous l'avez eu également à Djibouti. Donc les Éthiopiens ont souvent vu la politique égyptienne dans la Corne de l'Afrique comme une volonté d'encercler l'Éthiopie. Alors autant ça pouvait parfois paraître étonnant, autant là c'est vrai qu'on peut créditer effectivement ce discours.

Et ce bras de fer avec le maréchal al-Sissi, est-ce que le Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed peut en tirer un avantage politique dans son pays ?

Oui bien sûr, parce qu’au niveau interne en Éthiopie actuellement, la situation est instable. Et donc ce projet de barrage sur le Nil est véritablement un totem national. Et c'est ce qu'il essaye de montrer en interne en Ethiopie. Donc effectivement, plus les pays comme l'Egypte vont vouloir contrer ou faire plier l'Ethiopie, plus ça peut être un drapeau nationaliste pour les Éthiopiens. Néanmoins, il y a beaucoup de crises actuellement en Éthiopie parce qu'il y a eu la guerre au Tigré entre 2020 et 2022, et vous avez encore des affrontements aujourd'hui en région Amhara et en région de l'Oromia. Alors il y a les médias pro Abiy Ahmed qui glorifient le moment, ça très clairement, mais on voit un petit peu moins ce barrage dans les médias du Tigré, en pays Amhara, etc, puisqu'ils sont véritablement concentrés sur les défis internes et les conflits qui ont lieu actuellement.

À lire aussiGrand barrage de la Renaissance: des revenus d'un milliard de dollars par an pour l’Éthiopie?

Up next
Today
Est de la RDC: «Nous proposons d'acheminer les médicaments», dit François Moreillon, de la Croix-Rouge
Urgence médicaments dans l'est de la République démocratique du Congo. Dans les provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu, plus de 80% des centres de santé connaissent de graves ruptures de stocks de médicaments. Et ceux-ci sont souvent essentiels à la survie des patients. C'est le c ... Show More
11m 26s
Yesterday
RDC: «Nous travaillons pour atteindre un objectif, la paix durable» affirme Jacquemain Shabani
En RDC, des combats ont repris depuis quelques jours dans l'Est du pays, mais le gouvernement refuse de dramatiser. « Les indicateurs sur le retrait des troupes rwandaises de notre territoire ne sont pas encore visibles, mais nous sommes confiants qu'on va atteindre l'objectif de ... Show More
21m 22s
Oct 7
Khaled el-Enany: «Je veux d'une Unesco qui a de l'impact sur la vie des gens au delà du patrimoine culturel»
Il vient de remporter une victoire éclatante. Khaled el-Enany a été élu lundi 6 octobre directeur général de l’Unesco, avec 55 voix sur 57. L’égyptologue, ancien ministre du Tourisme et des Antiquités, devient le premier Arabe et le deuxième Africain à prendre la tête de l’Organi ... Show More
4m 18s
Recommended Episodes
Aug 21
Les grands boycotts de l'Histoire: faire tomber l'apartheid en Afrique du Sud
Nouvel épisode de la série les grands boycotts de l'Histoire, où quand des mouvements sociaux et politiques utilisent l'arme économique pour lutter contre l'oppression. De l'Irlande à Israël en passant par l'Inde, du lait en poudre au pétrole et aux bus de Montgomery, le boycott ... Show More
2m 51s
Oct 6
L'économie israélienne de plus en plus fragilisée par son isolement international
Longtemps présentée comme la « start-up nation », Israël traverse aujourd’hui une période de turbulences économiques. Guerre à Gaza, tensions régionales et désengagement de partenaires historiques plongent l’économie israélienne dans l’incertitude. Croissance en recul, fuite des ... Show More
3m 26s
Jul 11
Israël: comment le pays en guerre bat des records sur les marchés financiers
Malgré un contexte géopolitique sous haute tension, l’économie israélienne affiche des résultats spectaculaires sur les marchés financiers. Portée par un secteur bancaire solide, une industrie de la défense en plein essor et un écosystème technologique résilient, Israël étonne le ... Show More
3m 28s
Feb 2024
Gomme arabique, la crise en mer Rouge s'ajoute à la crise au Soudan
La crise soudanaise qui dure depuis bientôt 10 mois a perturbé le commerce de la gomme arabique, un additif naturel très utilisé dans les industries agro-alimentaires, cosmétiques et pharmaceutiques. Depuis janvier, la crise en mer Rouge est venue complexifier un peu plus la situ ... Show More
1m 41s
Nov 2024
Michel Barnier, une censure inéluctable ? - Ian Brossat est l'invité des 4V du 30 novembre 2024
Plus de deux ans après le début de la guerre en Ukraine, le monde est plongé dans une crise d’une ampleur inédite depuis des décennies. Ce conflit, marqué par des violences inouïes, des déplacements massifs de populations, et une escalade militaire inquiétante, menace de s’étendr ... Show More
7m 30s
May 2025
#472 - Jean-Marc Jancovici - The Shift Project, Carbone4 - L’Europe est dans la seringue : ce qui doit changer dans les 10 prochaines années
La fin de l’abondance énergétique a déjà commencé.Le déclin de l’Europe est acté pour beaucoup. Mais rares sont ceux qui en comprennent la cause profonde : une crise énergétique systémique.Jean-Marc Jancovici tire la sonnette d’alarme depuis 20 ans. Et cette fois, l’échéance est ... Show More
2h 51m
Nov 2023
Sultan al-Jaber, un président controversé pour la COP28
À deux jours de l’ouverture de la COP28 à Dubaï, son président Sultan al-Jaber vient d’être pris en flagrant délit de conflit d’intérêt. D’après la BBC, en marge de la conférence où l'on discutera de la sortie des énergies fossiles, il prépare des rencontres pour promouvoir les i ... Show More
3m 22s
Aug 29
Les grands boycotts de l'histoire: les internautes contre le «made in USA» de l'ère Trump
Pour ce dernier épisode de notre série boycott, retour quelques mois en arrière, en mars 2025, avec des appels qui se multiplient sur les réseaux sociaux pour ne plus acheter de produits américains. Cette initiative qui prend sa source au Canada et en Europe du Nord fait partie d ... Show More
4m 29s
Dec 2024
LE GRAND ISRAËL DE NETHANYAOU AVANCE ET DÉTRUIRA TOUT SUR SON PASSAGE ! | RADJAA ABOUDAGA | GPTV
Le 9 décembre 2024, François Martin, Sylvain Baron, Radjaa Abou Dagga et Mathias Leboeuf étaient les invités de La Grande Émission, animée par Mike Borowski, sur Géopolitique Profonde. Israël, acteur clé de la scène géopolitique, fait face à des tensions internationales et des cr ... Show More
1h 36m