Cet été, tous les regards se tournent vers Paris. Pour la troisième fois de son histoire, la ville lumière va accueillir les Jeux, après ceux de 1900 et 1924. 100% création aborde l’esprit créatif de ces Jeux. Les JO, ce ne sont pas seulement des sportifs et des compétitions, ce sont aussi les métiers de la création qui s’activent dans le plus grand secret. Aujourd’hui, Benoît Verhulle, 13e chef d’atelier de la Maison Chaumet, nous parle des médailles olympiques.
Il faut de toute façon, dans notre métier, avoir un goût artistique très prononcé. Cette passion, l'envie de bien faire, d'essayer de toujours se remettre en question en disant ‘est ce que je ne peux pas toujours mieux faire ?’ C'est vrai que c'est toujours frustrant parce que nous avons l'impression que cela ne va jamais s'arrêter.
Benoît Verhulle, treizième chef d’atelier de la Maison Chaumet
C'est toujours enrichissant, je trouve d'arriver le matin avec un dessin et de se dire ‘comment je vais le réaliser, avec quelle technique, qu'est-ce que je peux faire pour arriver justement à donner vie à ce bijou ? ‘ A chaque fois, c'est un éternel recommencement. Et c'est pour cela que 34 ans dans une même maison, cela paraît très simple parce que tous les jours il y a un nouveau projet qui va de la bague, à la boucle d'oreille, à des médailles olympiques. Nous changeons, finalement, les années passent très facilement et très rapidement.
Benoît Verhulle est né au Havre, dans le nord de la France. Il y fait ses études, mais lors de vacances à Toulouse, dans le sud de la France, il découvre l’univers de la joaillerie, il a 12 ans. Ses parents l’accompagnent dans ce métier, mais c’est un moment où l’apprentissage est sinistré, où les places d’apprenti sont très rares. Jusqu’au jour où l’un des artisans sollicités dit à ses parents qu’il y a deux écoles sur Paris et que la sélection se fait sur concours.
Retenu par l’une d’elle, Benoît Verhulle arrive à Paris à 15 ans. Après trois ans de formation, il obtient son diplôme. « Sincèrement, c'était assez difficile de trouver un travail. J'ai vite compris que si je voulais y arriver, il fallait travailler, j'ai donc travaillé. De fil en aiguille, j'ai fait plusieurs ateliers jusqu'au moment où dans mes connaissances, il y a quelqu'un qui m'a dit "Chaumet recrute des jeunes pour enrichir leur atelier". J'ai postulé, j'avais 26 ans et puis j'ai été accepté et j'ai commencé chez Chaumet. »
« J'ai été joaillier, 26 ans. J’ai de la chance de ne faire que de la pièce unique, la chance d'avoir le temps par rapport à des gens qui font de la série. Mon passé professionnel et d'avoir fait de la série est très important parce que cela m'a appris à aller vite, à être un peu astucieux et assez inventif aussi sur ce que je voulais faire. Nous, au sein de l'atelier, nous faisons toutes ces pièces de haute joaillerie, les commandes spéciales, mais nous entretenons aussi toutes les pièces de notre patrimoine et cela nous permet d'avoir un œil sur ces techniques oubliées. »
Aujourd’hui, Benoît Verhulle est le treizième chef d’atelier de la Maison Chaumet. Il dirige une équipe de 26 personnes réparties dans différentes spécialités.
« Nous sommes 26 personnes divisées en joailliers, sertisseurs, polisseurs. Parmi ces 26 personnes, j'ai aussi quatre alternants. Parce que si je n’ai pas les alternants, je n’ai pas les mains de demain. Il faut vraiment transmettre. Nous ne transmettons pas uniquement du savoir-faire, nous transmettons aussi de la passion, explique-t-il. Rien n'est plus important que d'avoir des gens passionnés. Si nous avons des gens passionnés, nous pouvons les emmener très loin. Quand nous avons les dessins, chacun commence à réfléchir "qu'est-ce que je peux mettre dedans ? Qu'est-ce que je peux faire ?" Alors que si nous avons de très bons techniciens, mais qui n'ont pas cette passion, ils vont dire "voilà le dessin, je t'ai fait exactement ce que tu m'as demandé, c'est fini", et ce sera bien fait, mais il n'y aura pas d’âme en plus. »
« Alors que là, chaque artisan est toujours très fier de ce qu'il réalise. Je pense que notre méthode de travail, d'échange est importante. Il y a un échange entre les personnes du studio de création, les personnes de l'atelier et ils partagent en direct sans les filtres ou le prisme de chaque manager, de chaque département qui échangent entre eux. Je pense que c'est important. Ce n'est pas parce qu'une personne vient d'arriver dans le métier, un peu plus junior, qu'elle n'a pas de bonnes idées. Moi, cela ne me gêne pas de donner la première réalisation d'une collection à quelqu'un qui est junior, parce que peut-être qu'il va me surprendre dans sa réalisation et peut-être que cela va m'intéresser. C’est cet échange, cette façon de travailler qui permet de les emmener un peu plus loin, de les intéresser, les impliquer 100% dans leurs réalisations. »
Les médailles olympiques gardent l’empreinte de Paris, puisque des morceaux de fer issus de la tour Eiffel, icône de Paris, ont été intégrés au centre de ces décorations et taillé en hexagone à l’image de la France. Imaginées par la Maison Chaumet, ces pièces sont serties comme une pierre précieuse. Les médailles sont fabriquées à la Monnaie de Paris et tout a été fait pour faciliter le travail entre les deux Maisons.
« Nous ne pouvions pas, dans notre structure, réaliser plus de 5 000 médailles et surtout 5 000 médailles identiques dans un temps assez court. Moi, je ne pouvais pas le faire et pour nos commandes spéciales, nous allons chercher systématiquement le spécialiste de telle ou telle technique. Moi, je l'aurais fait de façon joaillière, c'est-à-dire que je l'aurais fait complètement différemment. Mais ce qui était surtout important, c'est d'intervenir sur le volume et de tout rendre facile pour que la Monnaie de Paris puisse rendre ce bijou aussi facilement que si nous le réalisions ici en interne », ajoute-t-il.
« Nous avons vraiment cherché la façon de sertir justement ce morceau de tour Eiffel pour que ce soit réalisé de façon joaillière avec notre façon de faire. Mais en le répétant 5 000 fois et que ce soit à chaque fois identique. Nous nous sommes posés les vraies questions pour arriver à ce que ce soit très facile et que toutes les médailles soient les mêmes. C'était notre souhait que chaque médaille pour nous soit un bijou unique et touche l'excellence, d'être à la hauteur de ces athlètes qui ont sacrifié beaucoup de moments de leur vie pour arriver à toucher ce Graal et que lorsqu'ils vont avoir leur médaille, qu'ils soient fiers de porter cette médaille comme nous sommes fiers d'avoir apporté ce savoir-faire sur ces médailles. »
D’or, d’argent ou de bronze, les médailles ont bénéficié d’un sens du détail poussé au maximum.
« Si nous prenons la médaille d'or, il y a uniquement six grammes d’or parce que c'est un cahier des charges qui est établi par le CIO. Nous ne pouvons pas en mettre plus. Le reste de la médaille, c’est de l'argent, précise Benoît Verhulle. Une pellicule d'or de six grammes dont nous avons revêtu toute la médaille, celle qui est en argent est en argent et celle qui est en bronze est en bronze. Ces médailles, nous, nous avons essayé de les traiter comme un bijou parce que, par exemple, pour tenir le ruban, nous nous sommes appliqués à l'insérer dans la médaille et qu'il n'y a rien qui dépasse de cette médaille. Esthétiquement, c’est plus joli. »
« Le sens du détail est important parce que cela fait partie entière de notre métier. Nous sommes pointilleux. Ce n’est pas d’instinct que visuellement nous allons nous dire oui, cela va être bien ! Pourquoi l'Hexagone, n’a pas été réalisé sur toute la médaille, nous aurions pu aussi ! Mais cela ne fait pas du tout la même sensibilité. Nous n’avions plus ce rayonnement, plus ce travail avec la lumière et cela nous gênait. »
Pour les Jeux de la 33ᵉ olympiade, Benoît Verhulle et son atelier ont dessiné deux design pour des décorations à la fois très proches, mais différentes.
« Nous avons la médaille du CIO et la médaille pour les athlètes paralympiques. Sur les médailles du CIO, la face est celle où on est intervenu et le dos, nous sommes obligés d'avoir la déesse Niké, la déesse de la victoire. Nous sommes obligés d'avoir des codes bien précis qui nous sont donnés par le CIO. La seule chose où on a eu le droit de modifier parce que cela faisait 100 ans que les Jeux olympiques avaient été à Paris et que la personne qui a remis les Jeux olympiques au goût du jour, le baron Pierre de Coubertin, était Français, nous avons eu le droit de rajouter une petite tour Eiffel sur cette face. Mais sinon, cette face-là, elle est figée. »
« Sur la partie de la médaille paralympique, nous voulions que la face soit la même. Par contre, notre idée, c'était de mettre au dos une tour Eiffel vue du dessous. Être au centre de la tour Eiffel et regarder et en se projetant vers le haut, vers le ciel pour atteindre justement ce Graal. C'était notre idée pour ce côté paralympique. Nous avons rajouté sur la tranche de la médaille, tout autour en braille, parce que Louis Braille était Français, Jeux olympiques Paris 2024. C’est la même médaille, les seules différences, c'est au dos ce design qui n'est pas du tout le même et le ruban. Il y en a un qui est bleu pour les valides et rouge pour les paralympiques. »
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