Pour la première fois depuis plus de 20 ans, l'Assemblée nationale a voté une motion de rejet préalable sur le projet de loi immigration. Un texte que le ministre de l'Intérieur travaillait depuis un an. Il l'avait sauvé au Sénat et l'Assemblée l'a bloqué avant même d'en avoir discuté en séance publique. Un camouflet pour Gérald Darmanin. Le ministre de l'Intérieur a remis sa démission au président de la République qui l'a refusée mais le coup est dur pour le locataire de la Place Beauvau.
Il s'est fortement impliqué jusqu'à faire de ce texte, voulu par le candidat Macron, son propre objet. Il y a quelques semaines, il jurait qu'il assumerait une défaite. « Perdre sur ce texte, c'est toujours mieux qu'un 49-3 car au moins c'est la démocratie », confiait-il à des journalistes.
Mais perdre sur une motion de rejet c'est autre chose. « Le ministre de l'Intérieur est désavoué et doit en tirer les conséquences », nous a confié après le vote le Premier secrétaire du PS Olivier Faure.
Dans son camp, on dédramatise et on assure que rien de grave ne s'est passé. « Je ne vois pas ça comme une gifle. Le texte va continuer son parcours en CMP et finira par aboutir », nous a dit un député de la majorité.
Du côté des centristes du Sénat, on estime que Gérald Darmanin « est au fond du sceau mais combattif » ajoutant que « pour le moment, il n'a pas perdu la partie mais il a pris un coup au moral ».
Les députés LR lui reprochent son attitude. Beaucoup n'ont pas apprécié le comportement du ministre de l'Intérieur lors de l'examen du texte en commission des lois mais aussi lors de la niche parlementaire du groupe la semaine dernière. « L'élément déclencheur du vote de la motion de rejet pour les élus de droite a été l'arrogance de Gérald Darmanin », analyse le président des Républicains Eric Ciotti qui a demandé à négocier désormais directement avec Élisabeth Borne.
Même son de cloche du côté du RN où une députée explique que « même si ça a été très violent » pour le ministre, « aucune pitié pour lui étant donné sa condescendance ». Cet échec s'ajoute pour elle à son bilan.
Les élus de tous bords soulignent que Gérald Darmanin les « traite » comme on dit en politique. Plusieurs députés ont fait savoir que le locataire de Beauvau les avait appelés au lendemain du vote du texte en commission des lois pour les remercier. Un geste apprécié. La députée écologiste Sandrine Rousseau souligne que « le ministre de l'Intérieur a été très fort en Commission des lois et qu'il fait ce que la Première ministre ne fait pas ».
Mais pour une députée de la majorité, s'il espérait être un jour Premier ministre, « il a cramé sa cartouche ». Gérald Darmanin, dont le chef de l'État a refusé la démission, n'est pas à terre. Il est touché mais pas encore tout à fait coulé.