Il est l'un des plus grands peintres vivants, et sans conteste l'emblème de la peinture populaire congolaise... Chéri Samba est à l'honneur au musée Maillol de Paris jusqu'en avril prochain. Une cinquantaine de tableaux issus de la célèbre collection de Jean Pigozzi. L'occasion de revisiter une oeuvre, tour à tour surréaliste, engagée et pleine d'humour. Le peintre congolais a fait le déplacement à Paris pour le lancement de cette exposition.
Lunettes noires et sourire aux lèvres, Chéri Samba arpenteles salles du musée Maillol, le cœur plein de souvenirs. « C'est seulement un sentiment de joie que j'ai de retrouver tous mes enfants. Parce que mes œuvres, je les considère comme étant des enfants. »
Et il redécouvre ses œuvres figurant dans la collection Pigozzi et qu'il n'a plus vues depuis des années, comme ce tryptique intitulé Quel avenir pour notre art, réalisé en 1997 ou encore ce tableau devenu iconique J'aime la couleur, peint en 2003 et dont le surréalisme joyeux saute littéralement aux yeux.
Mais Chéri Samba, c'est aussi une peinture engagée qui dénonce les travers de la société. « Mon travail, c'est exactement comme ce que vous faites les journalistes. Et moi, je me suis toujours considéré comme un peintre-journaliste, ou comme un journaliste peintre », dit l'artiste.
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Le peintre-journaliste n'hésite pas à écrire directement sur ses toiles. De courts textes pour informer, expliquer, dénoncer. C'est ce qu'il appelle, La griffe sambaïenne. Une griffe très acérée quand il s'agit d'évoquer la guerre et les armes. « Les guerres m'inquiètent, et je ne comprends pas les gens qui fabriquent des armes. Jusqu'à présent, je continue à m'interroger. Cette intelligence-là, au profit du mal... Franchement, je ne comprends rien, et c'est ce qui m'inquiète dans ce monde. »
Ce va-et-vient permanent entre une peinture souvent joyeuse, toujours très colorée, et une constante interpellation, c'est ce qui a séduit le collectionneur Jean Pigozzi qui depuis 35 ans amasse les tableaux du maitre kinois.
« C'est une peinture extrêmement forte et qui véhicule de nombreux messages », explique Elisabeth Whitelaw, responsable de la collection Pigozzi. « Ce qu'il revendique absolument parce que pour lui, c'est essentiel à la peinture. Le plan formel ne l'intéresse pas tant que cela s'il n'y a pas aussi un message à faire passer dans la peinture. D'où l'introduction de texte et c'est comme cela qu'il s'est démarqué des autres peintres populaires. »
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Chéri Samba qui a commencé il y a demi-siècle en peignant des enseignes publicitaires a toujours voulu être un peintre aimé et reconnu. Son travail, d'abord très ancré à Kinshasa, s'est peu à peu étendu à l'ensemble du globe.
« Au départ, c'était la chronique du quotidien, comme beaucoup de ses confrères peintres populaires, et évidemment il a élargi, c'est un peintre mondial maintenant », souligne Elisabeth Whitelaw. « Il peut faire un tableau sur l'élection de Barack Obama, dénoncer le 11 septembre dans un tableau d'histoire magnifique. Des thèmes globaux qui dépassent largement le cadre de l'Afrique, mais il n'oublie jamais l'Afrique. »
Maitre incontesté du courant de la peinture populaire. L'autodidacte Chéri Samba a inspiré des générations d'artistes, mais aussi de contrefacteurs dont les œuvres pullulent sur le web, au grand désespoir de Chéri Samba.