L'Europe est leader dans la culture de la pomme de terre qui sert à faire de la fécule, l'amidon le plus pur qui existe sur le marché utilisé dans l'industrie agro-alimentaire, pharmaceutique ou encore de la papeterie. Mais les rendements de cette variété de patate sont en baisse et une des deux dernières féculeries françaises s'apprête à fermer.
Alors qu'elle comptait une centaine de féculeries en 1945, la France n'en possède plus que deux, et peut-être plus pour longtemps. Celle du groupe Tereos, située sur le site d'Haussimont dans la Marne, est en passe de fermer faute d'avoir trouvé un repreneur.
Mais, la nouvelle va au-delà d'une disparition d'usine de transformation de pomme de terre. Elle symbolise les difficultés d'un marché de niche, qui exporte pourtant 60 millions d'euros de fécule chaque année.
Effarée de voir une filière disparaître à bas bruit, l'Union nationale des producteurs de pommes de terre (UNPT) appelle les pouvoirs publics à débloquer une aide exceptionnelle pour les agriculteurs. Car si les jours de l'usine Tereos sont comptés, c'est en grande partie à cause de rendements qui baissent sous l'effet du changement climatique.
Ces rendements freinent l'activité industrielle, mais découragent aussi les producteurs qui ont déjà dû faire face en sortie de pandémie à des prix en chute libre : en raison de stocks trop abondants, le prix de l'amidon de pomme de terre était alors passé sous celui de l'amidon de blé et celui de l'amidon de maïs avec un prix moyen de 500 euros la tonne à l'export, du jamais vu. Il est depuis remonté au premier trimestre 2023 à plus de 1 000 euros la tonne avant de redescendre lentement.
Parce qu'il y a un décalage dans le calendrier entre les prix actuels et les arbitrages sur les surfaces à planter, mais aussi parce que les agriculteurs sont tentés d'aller vers d'autres cultures de printemps plus rémunératrices, les surfaces connaissent une baisse historique : pour cette année 2023, les prévisions font état de 16 000 ha semés contre 20 000 ha l'année dernière.
Le risque, selon l'UNPT, c'est qu'une telle chute des surfaces finisse par remettre en cause la pérennité même de la filière française avec toutes ses spécificités. La France est le seul pays à cultiver une pomme de terre uniquement destinée à être transformée en amidon.
Un expert résume : « Ce serait une aberration d'abandonner notre souveraineté dans le secteur alors que la filière est de plus en plus porteuse avec des applications qui se développent notamment pour alimenter le marché des protéines végétales. »