16 icônes byzantines exfiltrées du musée Khanenko de Kiev sont arrivées à Paris le mois dernier. Cinq d'entre elles sont montrées au public à partir de ce mercredi dans une salle aménagée spécialement. Ces icônes d'une grande rareté (il n'en reste qu'une dizaine de ce type au monde) sont datées du 4e au 7e siècle. Elles ont fait l'objet d'une opération de préservation spéciale menée à la fois par les autorités ukrainiennes, le musée du Louvre et la fondation Aliph, spécialisée dans la préservation du patrimoine en danger dans les pays en guerre.
Elles ont traversé le temps, survécu aux guerres, à la furie iconoclaste du 8e siècle. Les cinq icônes réfugiées au Louvre sont les derniers témoins des origines byzantines de la culture religieuse ukrainienne. « Nous sommes vraiment à la naissance de l'image chrétienne. Vous savez qu'une partie de ces icônes viennent du monastère Sainte-Catherine du Mont Sinaï », dit Laurence Des Cars, présidente du musée du Louvre. « Nous sommes au cœur de notre mission, en accueillant le temps qu'il faudra ces œuvres, parce qu'elles nous rappellent une étape très importante de l'histoire de l'art et des civilisations qui est effectivement la naissance de l'image chrétienne », ajoute-t-elle.
Ces icônes, peintes à l'encaustique entre le 4e et le 7e siècle, appartiennent au musée Khanenko de Kiev. Musée qui a bien failli disparaitre. « Et bien, il y a un missile qui est tombé à côté en octobre et qui a fait exploser toutes les fenêtres du musée ». Valéry Freland, le directeur de la fondation Aliph, avait heureusement déjà entrepris de cacher les œuvres de ce musée dans des réserves à l'abri des bombardements. « On avait à faire à des œuvres exceptionnelles, d'un musée exceptionnel, et il est apparu nécessaire pour les spécialistes, les Ukrainiens et les équipes du Louvre de faire sortir ces œuvres. De pouvoir à la fois leur proposer des conditions de conservation plus fines, et aussi c'était une occasion de mettre en valeur ce patrimoine ukrainien qui était exceptionnel », explique-t-il.
Si la fondation Aliph a financé l'évacuation des icônes, c'est le Louvre qui en a assuré la logistique. Une opération décidée en février dernier après la visite à Kiev de Rima Abdul-Malak, la ministre française de la Culture. « Il fallait préparer ça en toute discrétion pour pouvoir assurer ce convoi et protéger ces œuvres, pour pouvoir aussi les étudier pour la première fois avec les chercheurs et les professionnels du Louvre. Et les montrer au public dans cette exposition absolument magnifique ».
Reste les centaines de milliers d'œuvres en danger. Le Louvre n'est pas le seul musée à accueillir l'art ukrainien. Pologne, Lituanie, États-Unis ou Espagne ont prêté leurs salles. Mais surtout, les Ukrainiens eux-mêmes ont entrepris de protéger leurs trésors culturels. « Nous vivons une situation comme nous n'en avons pas vécu depuis la seconde guerre mondiale. Les vols dans les musées ukrainiens, mais aussi la plus grande évacuation d'œuvres. Il y a des centaines de milliers d'œuvres qui ont été sauvées et sécurisé pendant cette guerre. Mais nous devons faire encore plus », indique Oleksandr Tkatchenko, ministre ukrainien de la Culture.
Les chercheurs du Louvre contribuent aussi à ces efforts en surveillant discrètement les ventes aux enchères de par le monde, pour repérer d'éventuels recels d'œuvres volées en Ukraine.
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